C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
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*/ˈmʊst‑u/ s.n. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée »

*/ˈmʊst‑u/ > sard. mústu s.m. « jus de raisin qui dans le processus de vinification vient d’être exprimé et n’a pas encore subi la fermentation alcoolique, moût » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1337), dacoroum. must n. « id. ; jus de raisin qui a été soumis à un début de fermentation alcoolique avant que celle-ci ne soit interrompue, vin doux ; jus de raisin qui est tiré à l’issue de la fermentation avant d’avoir subi la macération post-fermentaire, vin nouveau » (dp. 1560, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1184 ; DLR ; Cioranescu n° 5530 ; MDA ; ALR SN 235*)1, méglénoroum. must m. « moût » (Candrea,GrS 6, 168 s.v. most, 171 s.v. must ; CapidanDicţionar [must/most])23, aroum. mustu n. « moût ; vin doux » (Pascu 1, 123 ; DDA2 ; BaraAroumain), istriot. mùsto m. « moût » (PellizzerRovigno ; AIS 1337 p 397, 398 ; ILA n° 1240)4, it. mosto « id. ; vin doux ; vin nouveau » (dp. 1260, DELI2 ; GDLI ; AIS 1337), frioul. most « moût ; vin doux » (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1337 ; ASLEF 832 n° 3860, n° 3862), lad. most « moût » (dp. 1879, Kramer/Thybussek in EWD)5, romanch. most/must « id. ; vin doux » (dp. 1560, GartnerBifrun 268 ; HWR), fr. moût (dp. 1256, GdfC ; FEW 6/3, 271a ; TL ; TLF ; AND1 s.v. must ; ALF 923 p 72, 73), SRfrpr. [ˈmuː] « vin doux » (Gignoux,ZrP 26, 142), occit. moust « moût ; vin nouveau » (dp. ca 1350 [most « vin nouveau »], Raynouard ; FEW 6/3, 271a ; Pansier 3), gasc. moust « moût » (FEW 6/3, 271a ; CorominesAran 580), cat. most (dp. 1372, DCVB ; DECat 5, 811-812), esp. mosto (dp. ca 1242, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 164 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. mostu (dp. 1156 [musto], DELLAMs ; DGLA), gal./port. mosto « id. ; vin doux ; vin nouveau » (dp. 1209, LegesConsuetudines 1, 850 ; DdD ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss).

Commentaire. – À l’exception du végliote (cf. n. 4), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ˈmʊst‑u/ s.n. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée »6.
Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs dacoroumain et aroumain et concorde avec le genre neutre du corrélat en latin écrit (cf. ci-dessous).
Quant à la reconstruction du sens protoroman, elle repose sur l’examen des trois signifiés attestés dans les idiomes romans, représentés tantôt isolément (méglénoroum. istriot. sard. lad. gasc. cat. esp. ast. gal. « moût »), tantôt ensemble (aroum. frioul. romanch. fr. frpr. « moût ; vin doux », occit. « moût ; vin nouveau », dacoroum. it. port. « moût ; vin doux ; vin nouveau »), répartition qui, mis à part le bloc monosémique occidental (gasc. cat. esp. ast. gal.) « moût », ne trahit pas de tendance régionale remarquable. Cet examen révèle, hors les cas du dacoroumain, de l’italien et du portugais, une spécialisation du sens protoroman au profit des différents stades par lesquels transite la vinification. Les rapports métonymiques qui relient les sens « moût », « vin doux » et « vin nouveau » se fondent sur la contiguïté chronologique des opérations intervenant dans le processus de vinification, selon un axe opposant le jus de raisin au vin (jus de raisin engagé dans un processus de vinification mais non vinifié : « moût » ; jus de raisin dont la vinification est interrompue peu après le début du processus : « vin doux » ; jus de raisin dont la vinification est interrompue peu avant la fin du processus : « vin nouveau ») et dans un ordre qu’épouse la prévalence des différents signifiés dans les idiomes romans : « moût » > « vin doux » (le plus souvent associé à « moût ») > « vin nouveau » (le plus souvent associé à « moût ; vin doux »). On peut penser – en s’appuyant sur le bloc « moût » monosémique mentionné ci-dessus – qu’il s’agit là de l’ordre chronologique du dégagement des trois sens en protoroman.
Le corrélat du latin écrit, mustum, -i s.n. « jus de raisin qui dans le processus de vinification vient d’être exprimé et n’a pas encore subi la fermentation alcoolique, moût ; jus de raisin qui a été soumis à un début de fermentation alcoolique avant que celle-ci ne soit interrompue, vin doux ; jus de raisin qui est tiré à l’issue de la fermentation avant d’avoir subi la macération post-fermentaire, vin nouveau », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Caton [* 234 – † 149], TLL 8, 1712 ; OLD ; Ernout/Meillet4 s.v. mŭstus)7.

Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 119, 308, 404, 468 ; REW3 s.v. mŭstum ; Ernout/Meillet4 s.v. mŭstus ; Pfister 1966 in FEW 6/3, 271a-275a, mustum ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183, 272 ; 2, § 299, 424 ; HallPhonology 81 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 243 ; DOLR 5 (1995), 113.

Signatures. – Rédaction : Jérémie Delorme. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre Chambon. Romania du Sud-Est : Victor Celac ; Maria Iliescu ; August Kovačec. Italoromania : Giorgio Cadorini ; Paul Videsott. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Myriam Benarroch ; Ana Boullón ; Ana María Cano González. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Georges Darms ; Xosé Lluis García Arias ; Xavier Gouvert ; Yan Greub ; Lucia Manea.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/07/2011. Version actuelle : 03/07/2020.

 


1. EWRS donne à tort must comme masculin.
2. Nous voyons dans istroroum. mošt s.m. « moût » (ALIstro n° 1240, 1241, 1242 ; cf. aussi Byhan,JIRS 6, 279) l’influence d’une langue slave (< croat. mošt < all. Most ou vén. mosto), le réflexe régulier de protorom. */st/ n’étant pas /ʃt/ en roumain, mais /st/.
3. Méglénoroum. most, contrairement à must, n’est pas une issue régulière de protorom. */ˈmʊst‑u/.
4. Végl. muast s.m. « moût ; vin doux » (ElmendorfVeglia) ne semble pas devoir être rattaché à protorom. */ˈmʊst‑u/, le réflexe régulier de protorom. */ʊ/ en syllabe fermée étant végl. /u/ (BartoliDalmatico 397 § 295), et végl. /ua/ étant, en syllabe fermée, le réflexe régulier de protorom. */a/ (BartoliDalmatico 393).
5. Kramer/Thybussek in EWD considèrent lad. most comme un emprunt (à l’italien ou au latin), au motif que “sicher ist jedenfalls, daß weitab von den Weinbaugebieten in den Dolomiten nicht mit einem Erbwort zu rechnen ist”. Cette prise de position semble faire peu de cas des vignobles du haut Adige situés à la bordure nord-occidentale du domaine ladin (Bozner Leiten, Eisacktal, Sankt Magdalener) et ne suffit pas, selon nous, à récuser l’hérédité de most.
6. Les antécédents d’ahall. most (> all. Most « vin doux », Kluge24), croat. d’Istrie mast (Skok 2, 383-384), alb. musht (VătăşescuAlbaneză 92) et mgr. μοῦστος (Skok 2, 383-384 ; MihăescuRomanité 460) ont été empruntés au protoroman.
7. Lat. mustus adj. « nouveau » se rencontre dans uinum mustum loc. nom. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée », qui n’est attesté, en latin écrit de l’Antiquité, que chez Caton (* 234 – † 149, OLD), et dont nous considérons mustum s. « id. », employé par le même auteur et dans le même texte (de Agri Cultura), comme une ellipse (contrairement à Ernout/Meillet4, qui y voit une substantivation). Sur cette locution, reprise dans le latin savant à partir du Moyen Âge central (dp. 1173, NGML 1007), plusieurs idiomes romans ont calqué les lexies suivantes, généralement dans le sens de « vin doux » : it. vino mosto (dp. 1586, BerarducciSomma 4, 130), aromanch. uin muost (1560, GartnerBifrun 98), fr. vin moût (dp. 1708, CalmetCommentaire 89), aoccit. vin most (1358, Pansier 3), acat. vi most (déb. 15e s., DECat 5, 811), esp. vino mosto (dp. 1524, HerreraAgricultura 40), aast. vinno mosto (1371, DELLAMs s.v. mostu), gal. viño mosto (dp. 1424, TMILG [la locution se rencontre aussi avec un adjectif intercalaire : vino puro mosto (1429), viño ullaao mosto (1433), TMILG]), port. vinho mosto (dp. 1716, FrancoIndiculo ; ViterboElucidario1 s.v. vinho mole).

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