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AVETTE
900-1330
lexie, définition
Source première :
 Gdf 1, 525a
avette, subst. fém.
« sorte de jeu »
 

Jeter a auwes, avettes, borsettes ne a nule maniere de tels gies (XIIIe s., Arch. Douai, Cartul. AA 89, fo 73) Rem. : La source de Gdf est l'Inventaire analytique des Archives Communales antérieures à 1790. Série AA, Lille 1878, p. 26b, où on lit as auwes.

Justification :
 mélecture liée à une confusion des lettres v/n
ca 1250
dictionnaire   FEW 24, 525a, note 11 : C'est par erreur que Gdf lit avette et glose « sorte de jeu ». Cf. AcInscr 1940, 399.

Gdf 1, 525a enregistre une attestation unique du substantif féminin avette « sorte de jeu », extraite d'un texte documentaire du 13e siècle provenant des Archives municipales de Douai (AA 89, f° 73 = Inventaire analytique des Archives communales antérieures à 1790. Série AA, Lille, 1878, p. 26b : as auwes). Il se trouve que dans sa communication intitulée « Copper l'oe », parue dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 84e année, n° 5, 1940, pp. 395-401, Mario Roques s'interroge sur la signification de cette expression, qui se rencontre dans le poème de la Cour de may, publié par Auguste Scheler dans ses Poésies de Froissart et recueilli dans le Complément du Gdf (GdfC 10, 224a, oe « oie »), avec une traduction empruntée à Scheler « être le premier amoureux ». Il montre que l'oie est ici l'objet et le symbole d'un jeu de réussite difficile et de compétition. À l'origine de l'expression semble se trouver un jeu fort répandu dans le Nord de la France, où des oiseaux domestiques (oies [auwes], canes [anettes], oiseaux de rivière), ayant un cou assez long pour qu'on puisse le couper, jouaient réellement un rôle. En témoignent le passage dont Godefroy n'a fourni qu'un court extrait et un poème écrit à Arras en 1262/1264, qui énumère différents jeux prétendus autorisés par saint Louis : (Douai, vers 1250, ban de l'Échevinage sur les jeux défendus) On fait le ban que hom ki soit manans en ceste ville ne soit si hardi ki jete as auwes ne as anetes ne as borsetes ne a nule manière de tels giés (AcInscr 1940, 398-399 ; s'agit-il du même texte que celui cité par Gdf, pas tout à fait identique, ou d'une autre attestation de ca 1250, laquelle répèterait le ban du 13e s. mentionné par Gdf ?) / Li rois veut bien c'on jete as aues, Si veut bien c'on jut au galet, Et li viellart et li vallet (ChansArtB XXIV, 14, cf. TL 6, 986, öe). Voici ce divertissement tel qu'il est raconté dans une lettre royale de 1377 (arch. de Picardie) : Par esbatement acheterent une anette, et empris à jouer à ycelle pour la gaigner par cellui, qui d'un fauchet lui coperoit le col et l'abatroit d'un pel, là u il avoit pendue, au lieu et place commune de ladite ville d'Amiens la Hautoye, là u communement l'en fait jeux et esbatemens (Lit. remiss. ann. 1377 in Reg. 111. Chartoph. reg. ch. 345, cité par Du Cange, 1, 247c, aneta « avis quædam aquatica »). Mario Roques cite une lettre de rémission accordée en 1393 par le duc de Bourgogne à un homme qui avait accidentellement tué un enfant au cours de ce jeu barbare consistant à couper net le cou à des volatiles suspendus vivants par la tête à un pieu (pel) en lançant avec force (jeter) une faucille (fauchet) pour décapiter les malheureux animaux : [I]l et pluseurs autres estant en la place que on dist au marchie des bestes en la dicte ville, s'estoient par esbatement accompaigniez pour geter deux oyseaulx de riviere, qui estoient penduz à un pel, pour deux gros que paier devoit chacun getteur à celui qui les oyseaux et pel avoit livréz, et quand le dit suppliant deubt geter à son tour, il deffubla son manteau et le bailla à garder à un enfant qui estoit son voisin […], et puis se trait le dit enfant arriere du giet avecques les autres gens qui regardoient l'esbatement ; et si comme le dit suppliant manioit une faucille qu'il cuidoit estre bonne et seure pour geter en esmant son cop, la manche de bois lui demoura en la main et le fer yssi tout hors et s'envola hors du giet de costé, parmy la teste du dit enfant […] (EspDouai, t. 4, p. 686, cf. AcInscr 1940, 398). Lorsqu'un joueur avait tranché le cou de l'oiseau (cf. tireur à l'oye, DMF : épieux, communication de May Plouzeau), il gagnait le corps de la bête comestible (cf. Il est de ceulx qui gaignent l'oie (MistSRemiK, communication de May Plouzeau). Comme le donne à entendre la citation de Godefroy, l'oie et la cane pouvaient être remplacées par une bourse pendue sans doute à un cordon assez long. Pour l'époque moderne, il y a eu des façons très diverses de jouer à ce jeu, notamment en ce qui concerne la nature de l'arme du joueur, qui pouvait se servir tantôt d'une barre métallique à arêtes tranchantes, faite pour couper le cou de la bête (oie, canard, coq, poule, jars), tantôt d'un bâton lancé avec force « jusqu'à ce que le cou ait été rompu » (Littré, s.v. oie [tirer l']), ou encore de la main pour arracher la tête de la victime emplumée suspendue entre deux poteaux en passant dessous à cheval et au galop (RlFn, 6, 175-176). Par conséquent, le fantôme avette du « Godefroy » est à lire anette, comme l'indique par ailleurs Mario Roques dans ses « Compléments aux dictionnaires de l'ancien français », s.v. borsette (VRo 6, [1941-1942], 171). Pour finir, la locution verbale jeter as anetes « jouer au jeu qui consiste à lancer des projectiles sur une cane attachée par le cou jusqu'à ce que ce dernier soit coupé » (ca 1250, Douai, cité in AcInscr 1940, 399), mériterait d'enrichir le FEW 24, 523a, anas, qui pourrait comporter un renvoi au FEW 25, 759a, auca. Quant à ce dernier, on pourrait y insérer l'attestation de jeter as auwes (Douai, ca 1250) ainsi que la loc. verb. jouer as oues (Tournai, 1361) (toutes deux citées in AcInscr 1940, 399), et on renverrait de même à l'article anas. Les loc. verb. jouer aux cannes, tirer de canne « jouer au jeu qui consiste à lancer des projectiles sur une cane attachée par le cou jusqu'à ce que ce dernier soit coupé » (MolinetChronB, chap. CCXCI, p. 75 : où l'on tiroit de canne ; MolinetChronD chap. CCLXXIV, t. 2, p. 437 : où l'on tiroit la chaine) seraient à ajouter au FEW 2, 164b, kan. On trouvera d'intéressantes considérations sur ce jeu barbare sur http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article5762.

Solution :
 ANETTE « femelle du canard, cane »
FEW 24, 523a, anas I
Correction des sources :
 Source à corriger :
  suppression de l'article
Gdf 1, 525a
avette, subst. fém.
« sorte de jeu »
Rem. : Il conviendrait de supprimer l'article avette subst. fém. « sorte de jeu » dans Gdf 1, 525a et d'ajouter la locution verbale afr. jeter as anetes « jouer au jeu qui consiste à lancer des projectiles sur une cane attachée par le cou jusqu'à ce que ce dernier soit coupé » (Arch. Douai, Cartul. AA 89, fo 73) à Gdf 1, 288c, anete « femelle du canard, cane ». En outre, il faudrait rayer Gdf 1, 504c, auwe subst. fém. « sorte de jeu », illustré par l'unique exemple des Archives de Douai, et la loc. verb. jeter as auwes irait enrichir GdfC 10, 224a, oe « oie, oiseau palmipède de la même famille que le canard ». Sous boursete « petite bourse » (Gdf 1, 708b), il faudrait corriger avettes en anettes dans la citation des Archives de Douai, comme indiqué par Mario Roques à la fois dans ses « Compléments aux dictionnaires de l'ancien français », s.v. borsette (VRo 6, [1941-1942], 171) et dans sa communication intitulée « Copper l'oe », parue dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 84e année, n° 5, 1940, p. 399. On pourrait dégager de la citation des Archives de Douai la loc. verb. afr. jeter as borsetes « jouer au jeu qui consiste à lancer un projectile tranchant sur une petite bourse attachée à un pieu jusqu'à ce que le cordon de cette dernière soit coupé ». Les expressions copper l'oe (Froissart), jouer as oues (Tournai 1361), gaigner l'oie (Ord) permettent d'enrichir le DMF : oie.
  

2015 : N. Steinfeld, J.-L. Ringenbach ; M. Plouzeau, G. Roques, T. Matsumura


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