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CRULE
1501-1650
lexie
Source première :
 Huguet 2, 666b
crule
 

On trouva une petite clef d'argent servant à son escrain, dans lequel estoit une crule ou haire de moine faicte d'estamine (Fauchet, Antiquitez, XII, 5)

Source(s) secondaire(s) :
Source secondaire :
 FEW 23, 156a
Concept : Les ordres - cilice - crule
 

Mfr. crule f. « haire de moine » (ca. 1600)

Justification :
 coquille typographique
ca 1600

Le FEW 23, 156a enregistre, parmi les matériaux d'origine inconnue, mfr. crule subst. fém. « haire de moine » (ca 1600), relevé dans Huguet, Dictionnaire la langue française du seizième siècle, qui cite un unique exemple extrait des Antiquitez de Claude Fauchet [Paris 1530-1602], Premier Président en la Court des Monnoyes, mais aussi historien et philologue français, qui voua sa vie à l'étude des origines de notre histoire nationale, de notre langue et de notre poésie. Celui-ci écrit à propos de Guillaume Longue Épée, duc de Normandie : L'on dit que dans son Strophium (c'est un bauldrier ou ceinture) on trouva une petite clef d'argent, servant à son escrain, dans lequel estoit une crule ou haire de Moine faicte d'estamine, pource qu'il se proposoit de se rendre à Gemieges, sa mort advint le dixeptiesme Decembre, & son corps apporté à Rouen, y fut enterré en l'Eglise de la Vierge Marie, qui est la cathedralle (Les Antiquitez françoises du sieur President Fauchet. Premiere partie ou Fleur de la maison de Charlemagne, Paris, Jean de Heuqueville, 1610, XII, 5, 443 vo). Un peu antérieurement, dans le Déclin de la maison de Charlemagne faisant la suitte des Antiquitez françoises […]. Recueillies par Claude Fauchet, Paris, Jeremie Perier, 1602, on trouve déjà la forme crule (263 ro). Dans l'avis de L'Imprimeur au Lecteur, Jeremie Perier endosse la responsabilité de la publication posthume de l'œuvre du Président Fauchet et s'engage à l'égard du lecteur à ne pas trahir l'intention de l'auteur, même si sa manière d'écrire est un peu difficile à comprendre : Vous jouyrez de ce labeur que feu monsieur le President Fauchet m'avoit commis à vous faire voir, où vous trouverez que son intention a esté aussi bien suyvie que s'il eust esté present, ores que son escriture en soit un peu difficile, me l'ayant particulierement demonstree (Fauchet, Déclin, L'Imprimeur au Lecteur). En ce qui concerne notre texte, il se réfère à l'assassinat de Guillaume Longue Épée, duc de Normandie, perpétré le 17 décembre 942 dans une île de la Somme, à Picquigny, où le malheureux est tombé dans le piège tendu par Arnould, comte de Flandre. Les compagnons et soldats de Guillaume restés sur la rive, ont vu l'assassinat, arrivent trop tard auprès de lui et ne peuvent que constater son décès. L'insolite crule assorti de la glose explicative « haire de Moine faicte d'estamine », que, selon la légende, Guillaume se serait fait remettre en secret en raison de son attirance pour la vie monastique et qu'il aurait précieusement enserré dans un coffre fermé à clef, a bien des chances d'être une coquille pour coule, bien connu en ancien et moyen français au sens de « froc à capuchon du religieux » (GdfC, coule ; TL, cole4 ; AND2 : coule1 ; FEW 2, 1452b : cuculla; TLF, coule1 ; DMF : coule). En effet, notre proposition de correction coule est étayée, hormis la glose explicative, par le contexte qui mentionne que Guillaume Duc de Normandie « désirant d'entrer en religion […] se proposoit de se rendre à Gemieges », avec l'intention de finir ses jours au sein de l'abbaye bénédictine de Jumièges, dont il a été le refondateur après sa destruction par les Vikings au IXe siècle. Or, il se trouve que Saint Benoît avait donné à ses religieux un habit spécial qui consistait en une robe d'étoffe grossière avec un capuchon qui pouvait se rabattre sur la tête ; elle se nommait cuculle ou coule et se portait à l'église ou hors du monastère. Les Bénédictins adoptèrent le scapulaire pour le travail. Ainsi, Saint Benoît voulait que ses moines se contentassent d'une coule et d'un scapulaire, habits qu'il jugeait les plus conformes à l'humilité de leur état : le saint dit que il li est avis et que il creit que en cels maains leus qui ne sunt ne trop freiz ne trop chauz deit soufiere a moine a aveir toteveies une cole et une cote (la cole deit estre en l'iver bien chaude et bien locue, en l'esté pure — id est tenrue et sotil) et capulaire por les ovres (RègleSBenDouceD) / Les dessusdiz six collateraux estoient maigres, tristes, mal vestuz et decirez. Les uns des cordes de saint François estoient ceins ; les autres de vieilles cogoules [coules, GdfC 9, 215c] de saint Benoist estoient envelopez (PhMézPelC 288 = DMF : coule) / [L]a chape que les religieux de S. Benoist appellent encores Coule (Fauchet, Antiquitez, I, 6 r° ; cf. Huguet, coule). De plus, dans les Gesta Normannorum ducum, achevées en 1071 par l'historien Guillaume de Jumièges, nous avons trouvé la trace de l'intention pieuse de Guillaume Longue Épée de se retirer de la vie publique pour entrer au monastère de Jumièges dans le passage suivant : Cujus corpus post paululum ad se relatum cum devestirent, argenteam clavim in ejus strophio reperiunt dependentem, satis ditissimum thesaurum sub se habentem, stamineam scilicet & cucullam Monachilem. Quæ, si comes ei vita fuisset, ab hoc Conventu rediens, apud Gemmeticum factus Monachus procul dubio sumpsisset (Willemi Gemeticensis Monachis Historia Normannorum, lib. III. c. 12, in Dom Martin Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de France, Paris, 1752, t. 8, p. 262 ; cf. aussi Jules Lair / Gaston Paris, "Complainte sur l'assassinat de Guillaume Longue-Épée, duc de Normandie. Poème inédit du Xe siècle", Bibliothèque de l'École des chartes, 31, [1870], p. 405, n. 3). Les quatre premiers livres de la Gesta Normannorum ducum de Guillaume de Jumièges sont un résumé de l'œuvre de Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniae ducum (ou plus simplement Gesta Normannorum), composée entre 1015 et 1026. On y reconnaît les traits principaux de la version de la fin tragique de Guillaume Longue Épée produite par Guillaume de Jumièges. Il y est fait notamment mention de la volonté du duc de Normandie de se retirer du monde dans les explications données par le chambellan relatives à la clef découverte sur la dépouille de son maître : […] repererunt [lire repeperunt ?] parvissimam clavim argenteam dependentem in strophio lumborum ejus […] « Noster senior Willelmus vovit se hoc labile secundum sæculum derelicturum, et se fieri post hoc flebile placitum Gimegias monachum. Et hæc clavis custodit in quodam scrinio, et coarciat monachilem habitum, scilicet cucullam et laneum supparum » (Dudon, De moribus, éd. J. Lair, Caen, 1865, p. 208). Étant donné que les œuvres des historiens du XIe siècle, Dudon de Saint-Quentin et Guillaume de Jumièges, ont été très lues et très utilisées à travers tout le Moyen Âge, il n'est pas étonnant que les chroniqueurs normands du XIIe siècle Wace et Benoît de Sainte-Maure puisèrent essentiellement leur matière dans les chroniques latines de leurs prédécesseurs. L'évocation du "trésor chéri" de Guillaume Longue Épée se retrouve dans les vers suivants : Du chief de son braier une clef deffermerent Et cole et estamine et un froc en osterent, Et tout l'abit d'un moingne qu'a un povre donnerent, N'i out autre tresor ni autre n'i trouverent (RouH II, 2009) / Nis la cuoüle e l'estamine En aveit il en une archete Que desfermout ceste clavete ; De sol itant ert tresorier, Kar nul tresor n'aveit plus cher […] Quant fu deffermez li escrins, Trovent la cuoüle e la haire (BenDucF 14664 ; 14701). On constate que les chroniqueurs normands des XIe et XII e siècles emploient le mot latin cuculla ou sa traduction française cole / cuoüle, parfois en cooccurrence avec staminea / estamine ou haire. Il ressort de notre analyse que les textes de ces derniers présentent une grande ressemblance avec celui de Claude Fauchet. Les similitudes sémantiques frappantes (strophium, crule [lire coule], haire, estamine) indiquent que le Premier Président en la Court des Monnoyes leur a emprunté un certain nombre d'éléments visibles dans la version qu'il a produite de la fin tragique de Guillaume Longue Épée. De l'ensemble des raisons énoncées ci-devant, on peut conclure que l'énigmatique crule, imprimé dans les éditions du début du XVIIe siècle des Antiquitez recueillies par l'érudit Claude Fauchet, n'est rien d'autre qu'une faute de typographie pour coule, qui désigne un froc à capuchon porté en particulier par les bénédictins, comme l'explique Fauchet dans le chapitre intitulé "Des Chevaliers, Solduriers, Ambactes, Gaulois : & leurs vestements" : Ceux [les Gaulois] de Sainctonge, avoient une autre sorte de vestement, qui leur couvroit & le corps & la teste, appellé Bardocucul & Bardiac : ressemblant possible à la chape que les religieux de S. Benoist appellent encores Coule, si l'habillement de ces moines n'estoit point si large, & que le capuchon serrast plus la teste & les espaules, comme l'on en void le pourtrait dans aucunes medailles, où sont representez les soldats Romains nommez Evocati (Fauchet, Antiquitez, I, 5, 6 r°) ou encore dans la "Table générale des histoires et matières plus notables contenues en cet œuvre" : Coule chape des Religieux de S. Benoist (6.a). Par conséquent, il conviendrait de supprimer la donnée "Mfr. crule f. « haire de moine » (ca. 1600)" parmi les mots d'origine inconnue ou incertaine du FEW 23, 156a.

Solution :
 COULE « froc à capuchon du religieux »
FEW 2, 1452b cuculla I 1
Correction des sources :
 Source à corriger :
  suppression de la donnée
FEW 23, 156a
Concept : Les ordres - cilice - crule
Rem. : Il conviendrait de supprimer la donnée "Mfr. crule f. « haire de moine » (ca. 1600)" parmi les mots d'origine inconnue ou incertaine du FEW 23, 156a.
  

2020 : N. Steinfeld ; G. Roques, T. Matsumura, M. Plouzeau


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