Mots Fantômes
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HELENGER
900-1330
lexie
Source première :
 Gdf 4, 447c
helenger, v. a.
« haler, tirer »
 

Tute fud queie la marine : Ne lur estut pas estricher, Ne tendre tref ne helenger (Vie de St Gile, 890, A. T.) [SGillesP]
REM : Dans les Errata et Addenda du quatrième volume, Godefroy propose un reclassement : P. 447, col. 3, l. 45, au lieu de : HELENGER, v. a., haler, tirer, Lisez : HELENGER, voir ESLINGUER, et placer le passage de la Vie de St Gile au t. III, p. 483, col. 1. Cet exemple doit être expliqué par : tirer en haut avec une élingue, et former la première subdivision de l'article ESLINGUER (Gdf 4, 798b).

Justification :
 mésinterprétation du texte suite à l'absence de coupe dans le ms. entre deux mots rares, que le copiste ne connaissait peut-être pas ; création d'un monstre morphologique
3e tiers du 12e siècle
étude   A. Thomas, Nouvelles variétés étymologiques, Romania 44, [1915-1917], 348

Gdf 4, 447c enregistre une attestation unique du verbe helenger « haler, tirer », relevée dans La Vie de saint Gilles par Guillaume de Berneville, éditée par G. Paris et A. Bos, Paris (Didot) 1881 (SATF), d'après le manuscrit unique de la Bibliothèque Laurentienne de Florence [SGillesP]. Dans le glossaire de cette édition, la définition « haler, tirer » est pourvue d'un point d'interrogation. Godefroy avait accepté sans réserve cette interprétation, qu'il explique dans les Errata et Addenda du quatrième volume (Gdf 4, 798b) en proposant d'y voir une altération du verbe e(s)linguer « tirer en haut avec une e(s)lingue », l'eslingue désignant un cordage servant à entourer un objet pour le hisser à l'aide d'un palan. Or, depuis A. Thomas a proposé de lire le vers incriminé : Ne tendre tref ne hel enger (Romania 44, [1915-1917], 348), où le premier mot représente hel « barre du gouvernail, limon », d'origine scandinave (FEW 16, 193b, helm [accueille tacitement la correction de Thomas] ; FEW 23, 98b range, à tort, sous gouvernail, deux attestations de la forme pluriel hiaux tirées de CptClosGalB 126 (2 att.) [doc. 1384 et non 1382]; Gdf, hel ; la correction d'A. Thomas a été adoptée par TL, hel, DEAF H 346, helm et AND2 : hel1 ; Jal2, heaume), le second enger, variante de ongier « hanter » (Gdf 3, 169a ; TL : ongier, engier, enchier ; FEW 17, 413b, *umbigân). Selon A. Thomas, hel enger pourrait vouloir dire « tenir sans relâche la barre du gouvernail », comme il est nécessaire de le faire quand la mer est mauvaise. Il se trouve que La Vie de saint Gilles a fait l'objet d'une réédition par Fr. Laurent en 2003. Dans son compte rendu, T. Matsumura note : Il faut dire que la culture lexicographique de l'éditrice n'est pas tout à fait à jour. Cela n'est pas sans conséquences dans son édition. Par exemple, le vers 892 suit la lecture de l'éd. P[aris] : Ne tendre tref ne helenger, mais il fallait lire Ne tendre tref, ne hel enger comme A. Thomas l'a proposé dans R 44, 348 ; cette correction a été adoptée par le TL 4, 1053, 14 et le DEAF H 344 l'a rappelée opportunément (ZrP 121, [2005], 156). Un an auparavant, Gilles Roques avait déjà fait le même constat dans son compte rendu consacré à trois éditions parues dans la collection Champion Classiques Moyen Âge : (en parlant de SGillesL) La Bibliographie des dictionnaires est d'ailleurs éloquente : l'AND y est cité, mais il n'est pas utilisé, […] ; manque le DEAF, non seulement indispensable, mais en outre bien commode pour […] ou encore helenger 892, considéré comme un mot fantôme depuis A. Thomas (cf. DEAF H 344 et AND 353a) encore que je ne sois pas convaincu par son explication d'enger (RLiR 68, [2004], 282). Il s'avère que le fantomatique verbe helenger hantait les écrits de Fr. Laurent dès 1998, puisqu'il en est fait mention dans Plaire et édifier : les récits hagiographiques composés en Angleterre aux XIIe et XIIIe siècles (p. 514). Toutefois, après la parution de son édition de La Vie de saint Gilles et de différents comptes rendus, dans son article intitulé "Le thème descriptif de l'embarquement dans le Roman de Brut de Wace et la Vie de saint Gilles de Guillaume de Berneville", Fr. Laurent souligne enfin que le mot helenger fait difficulté et signale les deux propositions d'interprétation, celle dubitative de G. Paris, reprise et étayée par Godefroy, qui rapproche le mot du verbe elinguer « hisser au moyen de cordages passés sous l'objet » (FennisGal ; FEW 17, 148a), et celle d'A. Thomas, qui suggère de lire hel enger en deux mots, correction amplement relayée par la lexicographie historique (Mondes marins du Moyen-Âge, études réunies par C. Connochie-Bourgne, Aix-en-Provence 2006, 248). Par ailleurs, le mystérieux verbe helenger a été recensé par B. Sandahl, qui comprend, mais sans grande conviction : « ? pay out a rope », c'est-à-dire "laisser filer une corde, donner du mou à une corde (?)" (SandahlSea III, 4, cf. aussi p. 164, où il développe son interprétation). Le fantôme helenger a franchi allègrement le seuil du XXIe puisqu'il continue à couler des jours paisibles dans l'ouvrage d'É. Ridel, Les Vikings et les mots : l'apport de l'ancien scandinave à la langue française (p. 297).

Solution :
 HEL ENGER « tenir sans relâche la barre du gouvernail »
FEW 16, 193b helm I || FEW 17, 413b *umbigân
Correction des sources :
 Source à corriger :
  suppression de l'article
Gdf 4, 447c
helenger, v. a.
« haler, tirer »
Rem. : Il conviendrait de supprimer l'entrée helenger v. a. « haler, tirer » du Gdf 4, 447c, ainsi que la proposition de reclassement de ce verbe, qui se trouve dans les Errata et Addenda du quatrième volume (Gdf 4, 798b). La citation corrigée en hel enger de SGillesP permet d'ajouter une seconde attestation à l'article hel s. m. « barre du gouvernail, timon » de Gdf 4, 447c, qui n'offre qu'un seul exemple, celui de BrutL. Par ailleurs, il faudrait biffer la donnée "Anorm. item un gouvernail garny de sa ferreure avecques deux hiaux pour icellui ; item deux hiaux (1382, Bréard 124, 126, Bb)" dans le FEW 23, 98b, Concept gouvernail. En effet, ces matériaux ont été rangés justement dans le FEW 16, 193b, helm, lequel accueille tacitement la correction hel enger SGilles 893 (l. 892) de Thomas et les attestations mfr. hiaux pl., relevées par ce dernier dans un document de 1383 (= 1382 |Bb], en fait 1384), cf. Romania 44, 348. Contrairement à ce qu'indique le FEW, l'attestation de 1494 (hyot [= LeTallE : aplustre]) signalée par Thomas n'illustre pas la forme plurielle hiaux.
  

2017 : N. Steinfeld ; T. Matsumura, G. Roques


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