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ORBEUS
900-1330
lexie
Source première :
 Gdf 5, 614b
orbeus, adj.
« aveugle »
 

Pluisors miracles i fist Diex, Contrais drechier e voir orbex (Vie du pape Grég., p. 109, Luzarche) [SGrega1L]

Source(s) secondaire(s) :
Source secondaire :
 
orbus - orbs - orbeus
 

Ablt. – Afr. orbeus « aveugle » Greg.

Source secondaire :
 TL 6, 1184
orbos, adj.
« blind »
REM : [s. Godefroy V 614b (VGreg.)]. [FEW VII 398b]
Justification :
 correction maladroite de l'éditeur
2e moitié du 12e siècle
édition   SGregA1S p. XXVII n. 69 : « Il parle par exemple de beesse (le manuscrit porte leesse), et de orbeus (un mot inventé par Luzarche pour corriger le manuscrit, qui donne dieus au lieu de cieus [=aveugles] ; cf. B2 2287). »

Gdf 5, 614b enregistre une attestation unique de l'adjectif orbeus « aveugle », tiré de la Vie du pape Grégoire le Grand, éditée par V. Luzarche, à Tours en 1857 [SGrega1L]. L'édition princeps de ce texte établit un texte fondé sur le ms. A1 (ms. Tours 927, tour. 2e q. 13e s.) corrigé par B2 (ms. Ars. 3527, pic. déb. 14e s.). Au passage correspondant, où se lit une énumération des nombreux miracles accomplis par Dieu pour l'intronisation de Grégoire, — lieu commun de contrefaits qui sont redressés, d'aveugles recouvrant la vue, de muets qui parlent et de sourds qui entendent — l'édition H. B. Sol, laquelle donne de façon synoptique les textes des six manuscrits, accompagnés de deux textes critiques fondés sur les deux manuscrits A1 et B1 [BL Egerton 612, agn. déb. 13e s.], porte : Pluisors miracles i fist Diex Contrais drechier et veïr diex [var. B1 mq. ; B3 et veoir diu, SGregA1S] Et parler ceus qui erent mu Et sours oïr de par Jesu ; Et autre malade pluisour Furent gari en icel jour (ms. B2, 2287, SGregA1S) / Molt grant miracles i fist Dex, Contrais drecier et veïr cex [var. A1 mq ; A3 texte proche] Et altre malade pluisor Furent gari a icel jor (ms. A2, 2287, SGregA1S). On constate que cex, pluriel de ceu / cieu / ciu « aveugle » (Gdf ; TL ; AND ; FEW 2, 32b ; RoquesRég 94-95 ; MélSmeets 261-262 ; RLiR 46, 30 et 50, 123-125), attesté de environ 1120 au milieu du 13e s. dans l'Ouest et le sud-ouest d'oïl (Normandie, Anjou, Touraine) et en anglo-normand (G. Roques, TraLiPhi 35-37, p. 365) est la leçon des mss A2 [Ars 3516, art. 1267] et A3 [BnF fr. 1545, bourg. 1469], qui ne correspondent pas à une des régions qui connaisssent le mot. « Le mot semble avoir gêné les copistes des mss B2 et B3 [Cambrai 812 (719), prob. Cambrai 3e q. 15e s.] (étrangers aussi au domaine de notre adjectif), qui ont refait maladroitement le texte avec un diex (diu, B3), qui n'a pas de sens, mais ont introduit, au vers suivant, un démonstratif ceus (cheux, B3), qui paraît révéler la cause de leur désarroi. De façon curieuse les deux mss pour qui un ceus « aveugle » ne poserait pas de problème, les mss A1 et B1, qui de plus ne sont pas apparentés, ont omis tout le passage en question. On peut néanmoins conclure que le mot peut remonter à l'original [qui, lui, se situe dans le domaine picardo-wallon, et peut-être plutôt wallon que picard], étant donné qu'il est confirmé, directement ou indirectement, par quatre des six mss, appartenant aux deux familles nettement distinctes » (G. Roques, TraLiPhi 35-37, p. 366). Ce régionalisme de l'Ouest, poursuit G. Roques (p. 371-372), « doit pouvoir s'expliquer comme un emprunt littéraire inséré dans un cliché hagiographique ; rendre la vue aux aveugles est un lieu commun de la vie des saints ou de la vertu de leurs reliques. Un écrivain pouvait bien avoir lu ou entendu le mot cieu dans un tel contexte et en particulier en association avec contrait [« contrefait »], dans ce qui a tout l'air d'un vers formulaire, qu'on rapprochera, par exemple, de As cuntrat et au ces a tot doné santé (EpSEtK 4 [Touraine, env. 1130]) ». Nous faisons remarquer que cet emprunt littéraire des mêmes miracles se rencontre aussi dans le Mistere de Saint-Quentin (ca 1482), attribué à Jean Molinet, né à Desvres dans le Pas-de-Calais en 1435 et mort à Valenciennes en 1507 : (en parlant de J.-C.) et ne donnoit mie Ouye aux sours, jadis perie, Lumiere aux cecz tant seullement N'aux langoureux santé amye, Mais suscitoit mors plainement. Pluseurs plain de contagion Lepreuse d'ung seul mot cura, Aux femmes ayant grief passion De sang sanité restaura, Boisteux fit courir ca et la, Paralitiques ambuler, … (MistSQuentC 10668 = DMF : cieu). Le fantôme orbeus, qui est le résultat d'une correction aberrante de Luzarche pour diex (B2), leçon désespérée d'un copiste qui ne connaissait pas le mot c(i)ex « aveugles », est malheureusement entré dans le FEW 7, 389b, ce dernier l'ayant puisé dans le glossaire quasi-exhaustif des textes des six manuscrits de la légende de saint Grégoire, établi par F. Kahle (Halle 1916) [KahleSGreg]. Par ailleurs, l'avatar fantomatique orbeus, signalé dès 1977 par H. B. Sol dans sa thèse (SGregA1S, p. XXVII n. 69), a été accueilli par TL 6, 1184, qui renvoie à Gdf et au FEW.

Solution :
 DIEX, réfection maladroite de C(I)EX
FEW 2, 32b caecus I
Correction des sources :
 Source à corriger :
  suppression de l'article
Gdf 5, 614b
orbeus, adj.
« aveugle »
Rem. : Il conviendrait de supprimer l'entrée orbeus adj. « aveugle » dans Gdf 5, 614b. L'attestation corrigée de orbex en c(i)ex, tirée de SGrega1L, serait à ajouter aux exemples cités dans l'article ciu1 adj. et subst. « aveugle » de Gdf 2, 142c.
  Source à corriger :
  suppression de la donnée
FEW 7, 389b
orbus - orbs - orbeus
Rem. : Il conviendrait de supprimer la donnée "Afr. orbeus « aveugle » Greg" dans le FEW 7, 389b, orbus. L'attestation de ceus, tirée de SGregA1S (var. mss A2 et A3) ainsi que celle de cec, relevée dans MistSQuentC 10668 serait à ajouter au FEW 2, 32b, caecus.
  Source à corriger :
  suppression de l'article
TL 6, 1184
orbos, adj.
« blind »
Rem. : Il conviendrait de supprimer l'entrée orbos adj. « aveugle » dans TL 6, 1184. L'attestation de ceus, relevée dans SGregA1S (var. mss A2 et A3), serait à ajouter à l'article cieu de TL 2, 427-428.
  

2017 : G. Roques ; N. Steinfeld, T. Matsumura


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