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chauffeur, euse, subst.

Étymologie
Histoire :
I. A. — Subst. masc. « celui qui s'occupe du feu d'une chaudière, d’un poêle, d'une forge, d'un fourneau ». Attesté depuis 1455 [attestation isolée] (JPrieurM, vers 1344 = DMF2020 : (en parlant des chaudières de l'enfer) Lucifer. Huré, pour toy sallarier Ung office je te donroy Et des cy endroit je te fay Premier chauffeur de la chaudiere). De nouveau et continûment : 1573, Plantin, s.v. wermer. Chauffeur. Calefactor, fotor ; 1587, Le Fèvre, Dict. rimes, page 157 : Chauffeur [sans contexte, dans une énumération de noms en -eur], cf. aussi : Mell 1591, s.v. Wermer, Chauffeur, Eschauffeur, m. ; Duez 1663, s.v. Badheitzer, m. Chauffeur d’estuve, Fornacator, Calefactor ; Richelet 1680, s.v. : Chaufeur [sic], s.m. Celui qui tire la branloire et fait aller les souflets d’une forge pour faire rougir le métal ; Cramer, Dict. roial, 1712, s.v. Chauffeur, m. ‑euse , f. Wärmer , Heitzer etc. chauffeur de poiles , Stuben‑heitzer , calefactor (*fairfax) chauffeur de forgeron, de marechal, eines Schmids Balge‑zieher oder Blaser ; Ac. Sc., Descr. arts mét., tome 13, 1762, page 35, « Art de fabriquer la brique », par M. Fourcroy] : Un atelier de ces ouvriers […] consiste en une troupe de treize hommes, qui construisent en quinze à seize jours, si le tems est favorable, un fourneau de cinq cents milliers de briques. Leurs rangs entr’eux sont le Cuiseur ou Chauffeur, qui commande les autres et conduit le feu ; […] ; Bianchi, Dict. turc-fr., tome 1, 1801, page 1085 : âtechdji, s. t. Chauffeur d'un bateau à vapeur ; AnnEuropFruct, tome 8, 1825, page 366 : Un chauffeur et un enfant suffisent pour entretenir une machine à vapeur , qui peut conduire 40 tonneaux de marchandises ; […] ; AnnPontsCh, 1834, page 223 : Aucune personne, à l’exception du mécanicien (engine-man) et de son chauffeur (fire-man), ne pourra monter sur aucune machine locomotive ou sur son chariot d'approvisionnement (tender) sans la permission des directeurs ; L’Avenir de Bel-Abbès, 9 février 1893, page 1 : J’ai pu voir […] un appareil fort simple, mû par une locomobile de ferme, faire ¾ hectares en 24 heures, […] … Le personnel employé était de : un chauffeur, un mécanicien, un conducteur monté sur la charrue et deux marocains ; Journal amusant, 8 mai 1897, page 8 : Automobilisme − Le Carnet du Chauffeur, créé par M. le comte de La Valette, ingénieur des mines, a paru dernièrement. Cet ouvrage résume tout ce que doit connaître le chauffeur ou le conducteur de voitures automobiles, voiturettes, tricycles à vapeur ; Génie civil, nº 807, 27 novembre 1897, page 54 : " Automobiles / Concours des poids lourds " […] A une certaine distance de la chaudière, est installé un siège sur lequel prennent place le mécanicien‑conducteur et le chauffeur. - 
I. B. — Subst. masc. et fém. « celui qui conduit un véhicule automobile, à usage personnel ou dans le cadre de sa profession ». Attesté depuis 1896 (Sport universel illustré, 15 octobre 1896, 314b, DDL II, 3 : on pourra ne pas dénier le titre de sportsmen aux " chauffeurs " enthousiastes et intrépides qui se sont adonnés à ce dernier cri de notre vie de plein air moderne. Au reste, les chauffeurs, en grande majorité, ont goûté déjà à tous les autres sports). Cf. encore : 1896, La France automobile, 112, FM 42, 251 : Ce qui intéresse encore plus nos " chauffeurs " c'est de savoir qu'ils pourront recharger à l'usine de Monaco les accumulateurs des voitures électriques qui prendront part à la prochaine course Marseille‑Monte‑Carlo ; L'Œuvre d'art, 5 décembre 1896, s. p. [dans les petites annonces] : Automobilisme. – Le cercle des " chauffeurs " qui jusqu’ici ne nous avait donné que du Teraing va commencer les épreuves de gros camionnage entre Paris‑Saint‑Germain [non miscuit utile dulci] ; Vélo médical, première année, décembre 1896, page 55 : Dans le compte rendu d’une course folle de champions vélocipédistes devenus " chauffeurs " de véhicules dits " automobiles ", nous relevons le passage suivant : […] ; La Harpe, troisième année, 1897, page 407 : Les grandes dames ont beau devenir chauffeuses brevetées, je doute quelles arrivent jamais à diriger ce troublant et mystérieux automobile qui trotte à toute vapeur, dans les jeunes têtes ; 1897, La Locomotion automobile, 29, FM 42, 251 : Ainsi le veulent les chauffeurs, et les chauffeuses n'y voient pas d'objection ; Le Figaro, 11, 19 et 21 juin 1897, DDL, II, 5 : championnat des chauffeuses ; BullAutoBord, octobre 1897, page 17 : Automobilistes et non chauffeurs ! Beaucoup de nos collègues en automobilisme, et non des moins anciens dans la carrière, protestent avec juste raison contre l’appellation de " chauffeurs " employée pour désigner les propriétaires de voitures automobiles. Ce titre, que rien ne justifie pour les voitures à essence de pétrole où il n’y a rien à chauffer, éveille en lui une idée de malpropreté relative et de mauvaise tenue, dont certains se sont emparés pour essayer de présenter notre nouvelle locomotion sous un jour peu favorable. La voiture à moteur mécanique étant désignée sous le nom d’automobile, il paraît rationnel que celui qui la conduit prenne le nom d’automobiliste jusqu’au jour où on aura trouvé un mot plus court ou plus exact pour remplacer celui‑là. En attendant, nous devons, dans notre intérêt et dans notre dignité, ne pas se laisser s’accréditer davantage cette expression de chauffeur que l’on peut considérer à juste titre comme peu heureuse. Dr Creuzan. ; Sport universel illustré, 5 février 1898, 84b, DDL, II, 3 : Il me semble, en outre, que rien que le titre de chauffeur ou de chauffeuse, attribué aujourd'hui à celui ou celle qui pratique l'automobilisme, devrait suffire pour dégoûter la femme de ce genre de locomotion ; Sports modernes, juin 1898, " L’automobile ", page 20 : Et vous serez " chauffeur ". Chauffeur ! Pourquoi ce mot ? Qu’est‑ce qu’un monsieur sur une automobile à pétrole peut bien avoir à chauffer ? demanderez‑vous. Le pétrole, dans les moteurs, ne chauffe rien. Alors, pourquoi " chauffeur " ? La raison de ce mot est toute simple. Il est là parce qu’il n’en existe aucun autre aussi court et aussi net que lui pour désigner l’amateur de locomotion automobile. Essayez de composer une expression admissible avec les mots locomotion ou automobile : essayez, et si vous réussissez, vous aurez rendu un signalé service à notre cause ! ; Journ. Chambres comm., 10 mars 1899, page 79 : Quant aux automobiles, […] Dans un pays où les routes sont fort accidentées, couvertes de neige en hiver, sont loin d’être très bonnes, les " chauffeurs " fanatiques de la vitesse n’iraient pas loin sans accident ; L’Univers illustré, 7 janvier 1899, page 578 : L’automobile permet de se dispenser du cheval, du cocher, du vétérinaire, du maréchal, du grainetier, du sellier, etc., remplacés tous en bloc par le mécanicien, à moins que l’on ne soit son propre chauffeur, ou son auto‑mécanicien ; www.lavoixdunord.fr, 03.06.2017 : Un jeune homme de 18 ans était jugé jeudi en comparution immédiate pour avoir injurié et menacé une chauffeure de bus deux jours plus tôt. - 
I. C. — Subst. masc. « brigand qui brûlait la plante des pieds de ses victimes pour leur faire avouer où se cachait leur argent ». Attesté depuis 1796 (Barruel‑Beauvert, Introduction, 25 décembre 1796, page 90 : Faut‑il s’attendre à voir fêter individuellement les septembriseurs, les noyeurs, les mitrailleurs, les fusilleurs, les violeurs, les égorgeurs, les chauffeurs, les brûleurs, les membres des comités et tribunaux révolutionnaires, […]). Cf. aussi, Corps législatif, Extrait, 1797 [messidor, an V] : C’est ainsi encore que le premier de ce mois, un homme prévenu d’être chauffeur de pieds, a été tué sur le pont Saint‑Vincent et jeté dans la Saone. - 
I. D. 2. — Subst. masc. « homme sensuel, qui fait la cour aux femmes ». Attesté depuis 1846 (Balzac, Cousine Bette, page 322, cf. TLF, chauffeur I. D. 2. : Écoute, vieux chauffeur !... Il te faut des femmes). - 
I. D. 1. — Subst. masc. « celui qui excite, stimule ». Attesté depuis 1853 (Flaubert, Correspondance, page 150, cf. TLF, chauffeur I. D. 1. : Les jours d'émeute, […] il y a bien des meneurs là dedans, des chauffeurs). Cf. encore : Ann. Mus. Guimet, tome 25, 1894, page 195 (dans une traduction du copte) : le diable est un chauffeur et il ne néglige pas de lancer dans le cœur de chacun toutes ses broussailles mauvaises, c’est‑à‑dire ses souillures. - 
II. A. — Adj. « qui chauffe, sert à chauffer ». Attesté depuis 1789 (Encyclopédie méthodique, Arts, volume 2, page 569, s.v. fer : (dans les fenderies) Il y a un ouvrier chauffeur qui doit veiller à l'arrangement du fer, qui le place par trois barres l'une dessus l'autre, & travaille à ce que ce qui est exposé au vent ne fonde pas, pendant que les bouts n'ont pas le degré de chaleur convenable ). Techn. : Teyssèdre, Petit fumiste, 1829, page 58 : la chaudière communique avec un tuyau chauffeur ; Dictionnaire technologique, tome 15, 1829, page 217 : Les roues d’engrenage m, font tourner avec une vitesse égale les cinq cylindres chauffeurs dans le sens indiqué par les flèches ; Description machines, tome 85, 1856, page 237 : Le serpentin chauffeur est horizontal ; il peut être disposé en hélice conique, dont quelques tours seulement règnent sur la pente du talụs, lorsqu’il s’agit de chaudières de très‑grande dimension ; Rev. univ. mines, volume 15, 1884, page 21 : Emploi de la locomotive et de fourgons chauffeurs ; L’Élève-ingénieur, 5 mai 1895, page 214 : L’eau de la prise P peut alors se rendre à l’appareil chauffeur, par le tuyau […]. - 
II. B. — Adj. « qui tient du chauffeur (brigand, I. C.)». Attesté en 1918 (France, Le Petit Pierre, page 180, cf. supra, TLF] : Huguet, royaliste, un peu chauffeur, […] et qui avait porté la Terreur Blanche dans l'Aveyron). - 

Origine :
I. A. Formation française : dérivé du verbe chauffer* à l'aide du suffixe ‑eur2*. On a affaire à des noms d’agent régulièrement formés, dont le sens précis varie en fonction du sens de la base verbale dans le domaine concerné : on ne chauffe pas de la même manière un poêle, une forge, un fourneau à briques ou une machine à vapeur, et là encore on peut constater des différences selon que la machine à vapeur se trouve dans une usine, sur un navire, sur une locomotive, ou encore sur un véhicule automobile à vapeur (de tels engins étaient en usage dans le dernier quart du 19e siècle et ont joué un rôle crucial dans la naissance de l'acception I. B.). Cf. von Wartburg in FEW 2, 79b, calefacere I.
I. B. Formation française : issu par évolution sémantique sur la base de l'acception I. A., plus particulièrement de l'emploi de chauffeur pour désigner celui qui chauffait la chaudière d'un véhicule automobile. Avant la fin du 19e siècle, trois modes de propulsion étaient encore en lice dans l’automobilisme naissant : la vapeur, l’essence et l’électricité. Les véhicules à vapeur (tramways, poids lourds, véhicules agricoles, voitures, voiturettes, tricycles) constituaient la technique la plus ancienne, imitée directement des locomotives. Et comme les locomotives, ils avaient besoin, à côté du conducteur, d’un chauffeur qui chauffait l’eau de la chaudière. Dans le domaine de l’automobilisme à vapeur, le terme chauffeur était donc transparent ; par conséquent, il appartient de plein droit à la série des chauffeurs mentionnés sous I. A. Quand, par contre, on a commencé à utiliser chauffeur pour désigner le conducteur d’un véhicule à essence, le terme est devenu opaque, puisqu'un tel conducteur ne chauffe rien, et l’est resté jusqu’à ce jour. Certains exemples cités montrent clairement que les contemporains jugeaient déjà ce recyclage terminologique inadéquat, et les premiers « pétrolistes », concurrents des « vaporistes », même légèrement péjoratif. Aujourd’hui, chauffeur s’utilise surtout pour désigner un conducteur professionnel. Cf. von Wartburg in FEW 2, 79b, calefacere I.
I. C. Formation française : dérivé du verbe chauffer* à l'aide du suffixe ‑eur2*. La base verbale a ici l'acception spéciale de « chauffer, brûler les pieds ». Les chauffeurs sévissaient surtout dans les campagnes à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, avec parfois des visées politiques, royalistes. Cf. von Wartburg in FEW 2, 79b, calefacere I.
I. D. 2. Formation française : dérivé du verbe chauffer* à l'aide du suffixe ‑eur2*. La base verbale de cet emploi est constituée par l'acception I. B. 1. a. du TLF : "Chauffer (de près) une femme. Lui faire la cour avec ardeur". À ajouter FEW 2, 79b, calefacere I.
I. D. 1. Formation française : dérivé du verbe chauffer* à l'aide du suffixe ‑eur2*. La base verbale de cet emploi est constituée par l'acception I. B. 1. du TLF : "Entourer de près, exciter, encourager dans un sens favorable ou défavorable pour obtenir quelque chose”. Ce qui chauffe les autres me glace, ce qui les anime me paralyse (Flaubert, Correspondance,1867, p. 290). À ajouter FEW 2, 79b, calefacere I.
II. A. Formation française : dérivé du verbe chauffer* à l'aide du suffixe ‑eur2*. Le suffixe est ici employé comme suffixe adjectival, emploi bien établi dans la langue depuis les temps les plus reculés, et même déjà en latin. À ajouter FEW 2, 79b, calefacere I.
II. B. Formation française : conversion du substantif chauffeur* dans l'acception I. C. « brigand qui brûlait la plante des pieds de ses victimes ». À ajouter FEW 2, 79b, calefacere I.


Rédaction TLF 1977 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2021 : Franz Rainer. - Relecture mise à jour 2021 : Jean-Paul Chauveau ; Nadine Steinfeld ; May Plouzeau.


Première mise en ligne : 14 avril 2022. - Dernière révision : 15 juin 2022. - Mise en ligne : 15 juin 2022.

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