*/lʊkˈt‑a‑re/ > dacoroum. lupta v.intr. « se battre dans un conflit, lutter » (dp. 16e s. [luptă-se prét. 3 pron.], DA/DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1030 ; Cioranescu n° 4949 ; MDA)1, aroum. luptu (DDA2)2, 3, istriot. lutà (PellizzerRovigno), piém. ločé « être dans un état d’incertitude, hésiter », lomb. sept. lüčà « désirer ce que qn est en train de manger », march. sept. luté « éprouver de la fatigue », tosc. sud-orient. luttêre « ne pas céder, résister » (tous Faré n° 5148)4, frioul. lotâ « lutter » (PironaN2 ; GDBTF ; DOF), romanch. luottar/lutgar (dp. 1658 [luzgiar], Vincenz in DRG 11, 562-564 ; HWR ; Salvioni,RIL 32, 144 ; VellemanLadin ; cf. EichenhoferLautlehre § 443b), afr. loiter (ca 1100, RolS2 220 = TLF ; FEW 5, 438b [encore ang.] ; AND2)5, sav. llièti (FEW 5, 438b ; cf. HafnerGrundzüge 101-109)6, occit. ˹lochar˺ (3e t. 12e [lochar] – 1ère m. 13e s., Raynouard)7, gasc. lutà (Palay ; CorominesAran 548), cat. lluitar (dp. ca 1390 [luytar], DECat 5, 299-300 ; DCVB), esp. luchar (dp. 1220, Kasten/Cody ; DCECH 3, 706-707 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. lluchar (AriasPropuestes 2, 271 ; DGLA), gal. loitar/port. lutar (dp. 13e s. [luitavan impf. 6], DELP3 ; DDGM ; DRAG2).Commentaire. – À l’exception du sarde ( cf. n. 1), du végliote et du ladin, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ˈlʊkt‑a‑/ v.intr. « se battre dans un conflit, lutter » 8. Malgré FouchéPhonétique 2, 199, 288, 435, BourciezPhonétique § 103/2, Remarque I. et StrakaÉtudes 240-241, on a renoncé à poser une base */ˈlukt‑a‑/ pour expliquer l’alternance phonétique qu’on rencontre dans les parlers de la Gaule ( cf. n. 5-7) et de l’Ibérie, car il n’y a aucun parler concerné où une telle reconstruction est obligatoire : le passage */‑ˈʊ‑/ > */‑ˈ‑/ > */‑ˈu‑/ que supposent ces variétés s’expliquera plutôt par l’influence du yod, qui est le résultat de l’évolution tardive (régionale) du groupe protorom. */‑kt‑/ ( cf. LloydLatin 181-184, 197 ; PennyGramática2 50). Le corrélat exact du latin écrit, luctare v.intr. « lutter », est documenté surtout dans la période archaïque (dp. Ennius [* 239 – † 169], TLL 7, 1731 ; Ernout/Meillet4 s.v. luctor), à côté du verbe déponent plus courant luctari « id. », connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 7, 1730 ; Ernout/Meillet4 s.v. luctor). BambeckWortstudien 36 soutient l’existence d’une continuité entre le sens « s’accoupler » connu par le latin classique luctari (dp. Properce [* 47 – † 16/15 av. J.-Chr.], TLL 7, 1731), et l’acception « couvrir la brebis (du bélier) » de fr. lutter ( ca 1380 [afr. luitier] ; 1680-1873, FEW 5, 439b), à laquelle il faudrait ajouter des attestations sporadiques du sens « s’accoupler (des êtres humains) » qu’on trouve en ancien espagnol dans des contextes métaphoriques (c’est le cas de l’exemple cité par BambeckWortstudien 36 n. 198, daté de ca 1330 ; cf. FEW 5, 440a). La comparaison entre les lexèmes romans concernés montre toutefois que ce sémantisme n’est pas assez diffusé pour postuler son existence déjà dans la phase protoromane. Nous y voyons donc, à la suite de von Wartburg in FEW 5, 439b-440a, un fait idioroman, explicable comme une évolution indépendante, due à la similarité extérieure entre la lutte et la copulation de deux animaux. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 225, 353, 405, 459 ; 2, § 117-118 ; REW3 s.v. lŭctāre ; Ernout/Meillet4 s.v. luctor ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 438b-440a, lŭctāri ; LausbergLinguistica 1, § 235-255, 261, 308, 430-435 ; 2, § 787, 792, 795 ; HallPhonology 86, 121 ; SalaVocabularul 604 ; StefenelliSchicksal 41 n. 28 ; MihăescuRomanité 290-291 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Marco Maggiore. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Max Pfister ; Valentin Tomachpolski. Romania du Sud-Est : Victor Celac ; August Kovačec ; Nikola Vuletić. Italoromania : Maria Iliescu ; Simone Pisano ; Paul Videsott. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Ana María Cano González ; Steven N. Dworkin. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Pascale Baudinot ; Bérengère Bouard ; Xosé Lluis García Arias ; Yan Greub ; Ulrike Heidemeier ; Lucia Manea ; Manuela Nevaci ; Elton Prifti ; Fernando Sánchez Miret ; Audrey Tschannen. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/02/2015. Version actuelle : 22/06/2020.
2. L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal ( cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429-430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. – La variante choisie pour la reconstruction comparative est minoritaire en aroumain, où les issues plus répandues sont sujettes à des évolutions phonétiques spécifiques (prothèse et dissimilation /-pt-/ > /-mt-/, cf. aroum. lumtu, aluptu, alumtu, DDA2) ; le type le plus diffusé est alumtu (dp. 1770 [αλούπου], KavalliotisProtopeiria n° 0529 ; Pascu 1, 32 ; DDA2 ; BaraAroumain ; MihăescuRomanité 290). 3. Comme l’existence d’istroroum. luptå v.intr. « lutter » ( SârbuIstroromân 225 > FrăţilăIstroromân 1, 206) n’est pas confirmée par les autres sources, son authenticité ne peut pas être assurée. 4. Nous considérons, malgré DELI2, it. lottare (dp. 1330 [aitcentr. loctare], TLIOCorpus ; GDLI) comme un emprunt à lat. luctari/luctare. 5. Cette issue régulière a été remplacée par fr. luiter v.intr. « lutter » (1164 [ luitier] – 1636, CommPsia1G 480, 927 = DEAFPré s.v. luitier ; GdfC ; FEW 5, 438b ; TL ; TLF), dont l’attestation de ca 1160, citée par DEAFPré s.v. luitier, ne se rencontre que dans deux manuscrits du 13 e siècle à la langue rajeunie. La variante du français standard lutter (dp. 1155 [ lutier], BrutA 62, 63 ; GdfC ; FEW 5, 438b ; TL ; AND2), qui s’est imposée à partir du 17 e siècle, s’explique par une simplification précoce de la diphtongue ( cf. FouchéPhonétique 2, 288), comme dans bruit > brut ( FEW 10, 550b). 6. À côté de cette issue régulière, on trouve aussi afrpr. luiter (hap. 1220/1230, ProsalegStimm 15) ; un autre manuscrit présente la variante luter ( ProsalegStimm 15), qui semble anticiper frpr. ˹ lutâ˺ ( FEW 5, 438b). 8. Protorom. */ˈlʊkt‑a‑/ a été emprunté par l’albanais ( lëftoj/ luftoj « lutter », cf. IEEDAlbanian s.v. luftë ; BonnetAlbanais 350). |