C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
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*/ˈnɪtid‑u/ adj. « qui étant sans tache réfléchit la lumière ; dont la surface n’a pas d’aspérités »

I. Type originel : */ˈnɪtid‑u/
*/ˈnɪtid‑u/ > dacoroum. neted adj. « qui étant sans tache réfléchit la lumière, luisant ; dont la surface n’a pas d’aspérités, lisse » (dp. 1560/1561, Coresi, Tetr. 104 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1227 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 5672 ; MDA), lomb. nédi (LSI), lad. nëide « sans arbres (clairière) » (Lardschneider), bas-engad./haut-engad. neidi « luisant ; lisse » (HWR ; EichenhoferLautlehre § 249c ; LRC), aoccit. nede (2e m. 13e s. – 1441, NTestLyonW 1, 244 ; RecPyrB 74 ; Raynouard ; Levy ; FEW 7, 147a ; Pansier 3)1, agasc. nedas f.pl. « propres (rues) » (1415, Levy), acat. nedeu adj. « luisant ; lisse » (1266 – ca 1500, DCVB ; DECat 5, 916 ; MollSuplement n° 2354 ; Gulsoy,HomenatgeCasacuberta 28 ; KoppelbergErbwortschatz 394), aesp. nidio (1250 – fin 16e s. [encore Salamanque], DCECH 4, 230 ; Kasten/Cody ; CORDE ; Castro,RFE 9, 65-66 ; Kasten/Nitti ; DworkinHistory 174)2, ast. ˹nediu˺ (dp. 18e s., DELLAMs ; DGLA), gal. nidio/port. nédio (dp. 13e s., DELP3 ; DRAG2 ; CunhaVocabulário2).

II. Type syncopé : */ˈnɪtt‑u/
*/ˈnɪtt‑u/ > sard. nitu/niđu adj. « luisant ; lisse » (DES ; PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese), istriot. nito (Rosamani ; DallaZoncaDignanese s.v. nitto ; PellizzerRovigno), it. netto « qui n’a aucune trace de souillure, propre » (dp. 1176/1200 [aitsept. neta f.], TLIOCorpus ; SalvioniPostille ; Merlo,RIL 86, 236 ; Faré n° 5929 ; DELI2 ; CellaGallicismi 12)3, frioul. net (PironaN2 ; GDBTF ; ALD-I 504), lad. nët « luisant ; lisse » (dp. 1763 [naeto], Kramer/Mehren in EWD ; ALD-I 504), romanch. net (dp. 1560, GartnerBifrun 464 ; HWR ; LRC ; ALD-I 504), fr. net (dp. 1ère m. 12e s. [« sans souillure morale »], PsOxfM 118 = TLF ; Gdf ; TL ; FEW 7, 147a-150a ; ANDEl), frpr. ˹net˺ (dp. 1220/1230 [« pur »], ProsalegStimm 28 ; ProsalegMussafia 216 ; FEW 7, 147b ; HafnerGrundzüge 123), occit. net (dp. 2e t. 12e s. [neptes c.s.], ÉvSJeanW 3, 9 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 73 ; FEW 7, 147a-150a ; Pansier 3), gasc. net (dp. 1270 [neptes f.pl. « propres (viandes) »], LespyR ; FEW 7, 147b ; Palay ; CorominesAran 589), cat. net (dp. 13e s., DECat 5, 916-918 ; MollSuplement n° 2354 ; DCVB ; KoppelbergErbwortschatz 394).

Commentaire. – À l’exception du végliote, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type phonétiquement évolué, protorom. */ˈnɪtid‑u/ adj. « qui étant sans tache réfléchit la lumière, luisant ; dont la surface n’a pas d’aspérités, lisse »4.
Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux types phonologiques dont elles relèvent : on a observé une distinction entre un type originel */ˈnɪtid‑u/ (ci-dessus I.) et un type secondaire, caractérisé par la syncope de la voyelle posttonique interne, */ˈnɪtt‑u/ (ci-dessus II.). Le type I. est continué par le roumain et par certaines variétés de la Romania italo-occidentale (lomb. lad. romanch. occit. gasc. cat. esp. ast. gal./port.). Du point de vue phonétique, les issues comme cat. nedeu, aesp. nidio, gal. nidio/port. nédio témoignent de la sonorisation de */-t-/ avant le passage [-i-] > [-j-] provoqué par la chute de */-d-/5.
En revanche, la syncope de la voyelle posttonique */-i-/ (ci-dessus II.) semble être un phénomène très ancien, comme le montre le fait qu’elle s’est produite en sarde ainsi que dans une large aire centrale de la Romania (istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. frpr. occit. gasc. cat.). Cette syncope a créé dans un premier temps un nouveau groupe consonantique */-td-/, étranger à la structure phonotactique du protoroman, qui s’est assimilé en */-tt-/, puis, dans beaucoup de cas, simplifié en */-t-/ (cf. FouchéPhonétique 2, 462). Le romanche, l’occitan et le catalan (pour ce dernier, cf. Gulsoy,HomenatgeCasacuberta 35-36) montrent deux séries d’issues parallèles, qui témoignent de l’ancienne coexistence des deux variantes.
Le corrélat du latin écrit du type I., nitidus adj. « luisant », est connu depuis Plaute (* ca 254 – † 184, IEEDLatin s.v. niteō ; Georges ; OLD ; Ernout/Meillet4), tandis que le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II6. Du point de vue diasystémique (latin global), le type II. est donc à considérer comme un particularisme de l’oral qui n’a eu aucun accès à l’écrit ; en revanche, il semble ne semble pas avoir été marqué diastratiquement : “syncope [...] was not confined to a lower social variety of the language” (AdamsVariation 99).

Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 80, 111, 113, 332, 334, 524 ; 2, § 63 ; REW3 s.v. nĭtĭdus ; Ernout/Meillet4 s.v. niteō ; von Wartburg 1953 in FEW 7, 147a-152a, nĭtĭdus ; LausbergLinguistica 1, § 167, 273, 284-291, 304, 375-380.

Signatures. – Rédaction : Steven N. Dworkin ; Marco Maggiore. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin Tomachpolski. Romania du Sud-Est : Victor Celac ; Nikola Vuletić. Italoromania : Giorgio Cadorini ; Paul Videsott. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Ana Boullón ; Fernando Sánchez Miret. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Pascale Baudinot ; Myriam Benarroch ; Müjde Coban ; Xosé Lluis García Arias ; Yan Greub ; Maria Iliescu.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/01/2015. Version actuelle : 29/07/2020.

 


1. L’adjectif ancien occitan a un féminin nedeza « pure » (2e m. 13e s. – 1420, NTestLyonW 283, 329, 359 ; Pansier 3 ; Chambon,RLiR 75, 289) qui semble témoigner d’un changement d’accentuation en position oxytonique. En absence de cognats dans d’autres variétés romanes, nous considérons ce changement accentuel comme un phénomène idioroman.
2. Cette issue régulière a été remplacée dans la langue contemporaine par esp. neto adj. « luisant ; lisse » (dp. 1376/1396, DCECH 4, 230), que nous considérons comme un francisme ou, selon l’hypothèse de Meyer-Lübke in REW3, comme un catalanisme (cf. ci-dessous II.), tandis que Corominas in DCECH 4, 230 hésite entre une origine française, catalane et italienne. La même analyse vaut pour gal. neto adj. « exact » (DRAG2) et port. neto (dp. 1471, DELP3).
3. Nous suivons DELI2, CellaGallicismi 12 (cf. aussi LarsonGloss s.v. netto) et Nocentini pour considérer le lexème italien comme héréditaire, vu l’absence de raisons phonétiques ou sémantiques qui pourraient soutenir la thèse d’un emprunt à l’occitan (hypothèse envisagée par DEI) ou au catalan (REW3). En revanche, dans le sens « pur », ait. netto semble être un francisme (cf. ContiniDuecento 1, 109)
4. Parmi les trois signifiés posés par Meyer-Lübke in REW3 (« luisant », « pur » et « joli »), seul « luisant » est reconstructible.
5. Ce [-j-] a fini par avoir des effets métaphoniques sur la voyelle tonique de la forme espagnole. La forme nedio, qui représente la première étape de l’évolution en espagnol, se trouve dans un seul texte du dernier quart du 15e siècle (CORDE).
6. En revanche, le latin écrit de l’Antiquité atteste des formes syncopées d’autres adjectifs en -idus, par exemple caldus adj. « chaud » (dp. Lucilius [* 180 – † 103 av. J.-C.], TLL 3, 151).

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