C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
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*/ˈpɛrsik‑u/1 s.m. « arbre fruitier de la famille des Rosacées cultivé dans les pays tempérés pour son fruit (la pêche, Prunus persica L. Batsch) »

I. Maintien malgré l’homonymie entraînée par la recatégorisation du nom du fruit (*/ˈpɛrsik‑u/ s.m. < s.n.)
*/ˈpɛrsik‑u/ > nuor./logoud. ˹péssike˺ s.m. « arbre fruitier de la famille des Rosacées cultivé dans les pays tempérés pour son fruit (la pêche, Prunus persica L. Batsch), pêcher » (DES ; NVLS 1 ; PittauDizionario 1 ; cf. WagnerFonetica 129 [campid. préssiu]), sic. pérsicu (VSES).

II. Maintien favorisé par la recatégorisation du nom du fruit (*/ˈpɛrsik‑a/ s.f. < */ˈpɛrsik‑u/ s.n.)
*/ˈpɛrsik‑u/ > dacoroum. piersic s.m. « pêcher » (dp. 1683, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1387 ; DLR ; Cioranescu n° 6364), méglénoroum. kˈársic (Candrea,GrS 6, 406 ; CapidanDicţionar s.v. chiársic ; AtanasovMeglenoromâna 100, 114, 200 ; cf. MeyerLübkeGLR 1, § 419 [*/p-/ > /k/])1, aroum. kearsik (DDA2 ; BaraAroumain ; cf. MeyerLübkeGLR 1, § 419 [*/p-/ > /k/]), it. pesco (dp. 1310, Morlino in TLIO ; DELI2 ; AIS 1283* p 193, 476, 534, 550, 558, 582 [aucun point sicilien]), aesp. prisco (apr. 1303, CORDE)2.

Commentaire. – Le sarde, le roumain (dacoroum. méglénoroum. aroum.), l’italien et l’espagnol présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ˈpɛrsik‑u/ s.m. « arbre fruitier de la famille des Rosacées cultivé dans les pays tempérés pour son fruit (la pêche, Prunus persica L. Batsch), pêcher ». L’existence de cognats en sarde et en roumain témoigne de l’ancienneté de cette désignation du pêcher, reconstructible pour la période du protoroman commun (ou protoroman stricto sensu), antérieure à l’individuation du protosarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256), puis du protoroumain.
En raison de la recatégorisation de la désignation du fruit du pêcher, qui est passée du genre neutre au genre masculin (cf. */ˈpɛrsik‑u/2 I. et section 3. du commentaire), protorom. */ˈpɛrsik‑u/ s.m. « pêcher » s’est retrouvé en situation d’homonymie avec */ˈpɛrsik‑u/ s.m. « pêche ». La protolangue a remédié à cette situation potentiellement gênante d’une part moyennant une seconde recatégorisation du nom de la pêche, qui est passé au féminin et a rejoint la classe flexionnelle en */‑a/ (cf. */ˈpɛrsik‑u/2 II. et section 3. du commentaire), d’autre part par la formation du dérivé */persiˈk‑ari‑u/ s.m. « pêcher »3.
Le corrélat exact du latin écrit, persicus, -i s.m. « id. », n’est attesté que très tardivement, chez Oribase (* ca 325 – † ca 395, AndréBotanique), tandis que sa variante féminine, persicus, -i s.f. « id. », est usuelle depuis Columelle (* 4 – † 70, OLD ; AndréBotanique).
Du point de vue diasystémique, protorom. */ˈpɛrsik‑u/ ~ lat. persicus s.m. « pêcher » est donc à considérer comme un particularisme des variétés de l’immédiat communicatif, qui n’a eu que très tardivement accès à l’écrit, tandis que lat. persicus s.f. « id. », caractérisé par le genre originel des noms d’arbres fruitiers, se dénonce comme un particularisme des variétés de distance communicative du latin global (cf. VäänänenIntroduction § 226).
Protorom. */ˈpɛrsik‑u/ s.m. ~ lat. persicus s.m. « pêcher » représente étymologiquement une ellipse de */ˈarbor‑e ˈpɛrsik‑u/ loc. nom.m. « pêcher » (cf. */ˈarbor‑e/ II. : masculin innovant), dont le genre pose problème4 : */ˈarbor‑e/ s.m. remonterait-il au protoroman commun plutôt que, comme la reconstruction comparative l’invite à penser (cf. commentaire de l’article */ˈarbor‑e/), à la strate plus récente du protoroman continental ? Le second élément de la locution signifiait littéralement « perse » (cf. Walde/Hofmann4 : “als « der persische Baum [...] » Abl[ei]t[un]g von Persa « Perser »”), mais tout porte à croire que les locuteurs protoromans n’avaient plus accès à ce sens étymologique (cf. */ˈpɛrsik‑u/2, section 6. du commentaire).
Pour un complément d’information, notamment concernant l’analyse des cognats en /-ss-/, cf. */ˈpɛrsik‑u/2.

Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 150, 308, 325, 405, 474, 523 ; REW3 s.v. pĕrsĭcus ; Ernout/Meillet4 s.v. persicus [s.f.] ; von Wartburg 1956 in FEW 8, 268b, pĕrsĭcum [n. 10] ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 172, 282-291 ; 2, § 282-291, 299, 387, 410 ; 3, § 601, 612 ; VäänänenIntroduction § 216 ; RohlfsPanorama 211 ; MihăescuRomanité 259.

Signatures. – Rédaction : Maria Reina Bastardas i Rufat. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Marie-Guy Boutier. Romania du Sud-Est : Victor Celac. Italoromania : Giorgio Cadorini ; Yusuke Kanazawa. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Ana María Cano González ; Steven N. Dworkin. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Günter Holtus ; Gilles Toubiana.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/12/2019. Version actuelle : 17/12/2019.

 


1. La diphtongue des issues méglénoroumaine et aroumaine s’explique par une analogie avec le signifiant de la désignation de la pêche (cf. */ˈpɛrsik‑u/2 II.).
2. Pour ce qui est d’esp. pérsico/pérsigo s.m. « pêcher » (dp. 1704, CORDE ; DRAE22), son phonétisme (maintien de /-i-/ posttonique et absence de diphtongaison) et son apparition tardive le dénoncent comme un latinisme. Quant à esp. *péjigo s.m. « id. » (REW3 s.v. pĕrsĭcus ; FEW 8, 268b, pĕrsĭcum n. 10 ; MihăescuRomanité 259), nous ne l’avons pas retrouvé : il semble s’agir d’un mot fantôme.
3. Meyer-Lübke in REW3 s.v. pĕrsĭca/pessĭca/alberchiga considère les lexèmes du type ˹pêcher˺ comme des dérivés idioromans, tandis que von Wartburg in FEW 8, 268a y voit en partie un héritage, en partie des créations internes (“mit hilfe des suff. -arius oder dessen vertreter gebildet [...]. Teils gehen sie auf ein schon spätlt. *persicarius zurück, teils sind sie jüngeren datums”). Notre analyse aréologique nous incite à penser que la dérivation s’est faite dans la protolangue.
4. Von Wartburg in FEW 8, 268b, pĕrsĭcum n. 10 y voit un simple remplacement d’un mot-forme par un autre : “spätl[a]t[einisch] persicus (für -a) arbor” (lat. Persica arbor loc. nom.f. « id. » est attesté depuis Pline, Gaffiot).

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