C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
  Résultat de la requête 
*/ˈruɡ‑i‑/ v.intr. « émettre un bruit fort et menaçant (dit de fauves) ; produire un bruit rauque et puissant (dit de choses) »

I. Sens « rugir »
*/ˈruɡ‑i‑/ > it. ruggire v.intr. « émettre un bruit fort et menaçant (dit de fauves), rugir » (dp. 1271/1280 [aitsept. rugiss prés. 3], Guadagnini in TLIO ; Merlo,RIL 86, 432 ; Faré n° 7428 ; DELI2 ; AIS n° 1094 [« grogner (dit d’un porc) »])1, fr. ˹ruir˺ (1ère m. 12e s. [ruianz part. prés.] – 1636, TL ; FEW 10, 546a ; Gdf ; TLF ; ANDEl)23, aarag. ruyr « émettre son cri, grogner (dit d’un porc) » (ca 1250, TilanderVidal 3, 276), aesp. ruir « rugir » (1280 [ruyen prés. 6 ; royron prét. 6 ; royra fut. 3 ; royran fut. 6], Kasten/Nitti s.v. rugir)4, ast. ruxir (AriasPropuestes 5, 338-339 ; DGLA ; DELLAMs)5.

II. Sens « gronder »
*/ˈruɡ‑i‑/ > it. ruggire v.intr. « produire un bruit rauque et puissant (dit de choses), gronder » (dp. av. 1375 [aitcentr.], Guadagnini in TLIO ; Merlo,RIL 86, 432 ; Faré n° 7428 ; DELI2), fr. ˹ruir˺ (1288 [ruyre « gargouiller »] – 1512 [ruire « produire un bruit (vent) »], Gdf ; Huguet ; TLF ; ANDEl ; DMF 2015 s.v. ruire), aarag. ruyr « parler à voix basse, murmurer » (ca 1250, TilanderVidal 3, 276), aesp. ruir « gronder » (ca 1270 – 1337/1348, Kasten/Cody ; DME ; DCECH 5, 91 ; Kasten/Nitti s.v. rugir), ast. ruxir (dp. 17e s., AriasPropuestes 5, 338-339 ; DGLA ; DELLAMs).

Commentaire. – Un ensemble limité de parlers de la Romania italo-occidentale (it. fr. arag. esp. ast.) présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ˈruɡ‑i‑/ v.intr. « émettre un bruit fort et menaçant (dit de fauves), rugir ; produire un bruit rauque et puissant (dit de choses), gronder ». En l’absence de cognats sardes et roumains, l’étymon ne peut être reconstruit que pour la période du protoroman italo-occidental, postérieure au dégagement du protoroumain (3e s., cf. RosettiIstoria 184 ; Straka,RLiR 20, 258). Mais cela ne veut pas forcément dire que le lexème n’a pas existé plus tôt, car des emprunts savants ont pu évincer à époque prélittéraire des continuateurs de l’étymon (cf. n. 1-5).
Le corrélat du latin écrit de I., rugire v.intr. « émettre un bruit fort et menaçant (dit de fauves) », n’est attesté que depuis Suétone (* ca 70 – † 140 apr. J.-Chr., OLD ; IEEDLatin), celui de II., rugire v.intr. « produire un bruit rauque et puissant (dit de choses) », depuis saint Jérôme (* ca 347 – † 420 apr. J.-Chr., Gaffiot)6. Très peu attesté, le lexème n’est devenu usuel qu’en latin chrétien et s’est diffusé à partir de la Vulgate et des écrits de saint Jérôme (cf. Blaise).
Cf. aussi le dérivé déverbal */ruˈɡit‑u/ s.m. « rugissement » (cf. REW3 s.v. rūgĭtus).

Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 30-31, 404-405, 438-439 ; 2, § 125 ; REW3 s.v. rūgīre ; Ernout/Meillet4 s.v. rugiō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 166 ; 2, § 307, 365 ; von Wartburg 1962 in FEW 10, 546a-550a, rūgīre ; StefenelliSchicksal 29.

Signatures. – Rédaction : Christoph Groß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre Swiggers ; Valentin Tomachpolski. Romania du Sud-Est : Victor Celac. Italoromania : Sergio Lubello ; Marco Maggiore. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Myriam Benarroch ; Ana Boullón ; Ana María Cano González. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Maria Reina Bastardas i Rufat ; Paula Bouzas ; Francesco Crifò ; Xosé Lluis García Arias ; Günter Holtus ; Manuela Nevaci ; José Antonio Saura Rami ; Uwe Schmidt.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 03/01/2019. Version actuelle : 23/12/2019.

 


1. Malgré Cihac 1, EWRS, EWRSÎnsemnările 90, REW3, Tiktin3, CADE et DEX2, le caractère héréditaire de dacoroum. rugi v.itr. « rugir » (dp. 1682/1686 [Dosoftei], DLR) n’est pas assuré. Les attestations sont rares, et elles se prêtent à des explications alternatives : il pourrait très bien s’agir d’un latinisme (cf. DLR et MDA [“din lat. rugire”]), peut-être combiné à une influence aroumaine au niveau du signifiant (cf. Onu in Herodot2 648, qui cite plusieurs aroumainismes dans la langue de Dosoftei). – Pour ce qui est d’aroum. (a)rujesc v.intr. « hennir », en dépit de ce qui est affirmé par REW3, EWRS et Pascu 1, 41, il s’agit d’un emprunt slave : d’une part, */ɡ/ + */i/ > aroum. /dz/ et non pas /j/ (Graur,BL 5, 112 ; DDA2 ; CapidanAromânii 330), d’autre part, le sens « hennir » ne correspond pas à celui des cognats romans, mais à celui des lexèmes slaves (par ex. russ. ржать).
2. Le lexème héréditaire a été évincé par l’emprunt savant rugir (dp. 1538, TLF).
3. Occit. rugir v.intr. « rugir » (dp. 13e s., FEW 10, 548b ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 5) représente un emprunt savant. Pour ce qui est de cat. rugir v.intr. « rugir » (dp. 1840, DECat 7, 520), que Coromines analyse comme un latinisme, il s’agira probablement, vu la date très récente de la première attestation, d’un emprunt à l’espagnol.
4. Le lexème héréditaire a été évincé par le latinisme rugir (dp. 1489, Kasten/Cody).
5. Malgré REW3 et von Warburg in FEW 10, 548b, port. rugir/gal. ruxir v.intr. « rugir » (dp. 13e s. [rogir], TMILG ; DELP3) constitue un emprunt savant (cf. DELP3).
6. Si la reconstruction comparative exige clairement */ˈu/, la quantité du <u> en latin écrit est mal assurée (cf. Ernout/Meillet4).

Lien permanent :  http://www.atilf.fr/DERom/entree/'rug-i-