C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
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*/kaˈβall‑ik‑a‑/ v.intr./tr. « être sur le dos d’un cheval ; monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture) ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté ; s’accoupler (avec une femelle) »

I.1. Sens « être en selle » (emploi intransitif)
*/kaβall‑ɪˈk‑a‑re/ > sard. kaḍḍikare v.intr. « être sur le dos d’un cheval, être en selle » (dp. ca 1112/1120 [poriclos de caballicare loc. nom. m.pl. « palefreniers »], BlascoCrestomazia 1, 104 ; LupinuLogu 130 ; DES ; PittauDizionario 1 s.v. cabaddicare, caddicare ; CasuVocabolario), it. cavalcare (dp. 1246/1255 [atosc.], Coluccia in TLIO ; DELI2 ; LEI 9, 34-35 ; cf. AIS 1232 p 316 [sèla da kavalka loc. nom. f. « selle »]), frioul. chiavaglià (1775, BusiçEneide chant XI stance 125 ; Frau in DESF s.v. ciavalgiâ ; GDBTF s.v. cjavalgjâ)1, bas-engad. chavalgiar (dp. 1527, Schorta in DRG 3, 492 ; HWR s.v. cavalcar)2, fr. chevaucher (dp. ca 1100 [chevalcher ; forme hybride francienne/agn.], TLF [“ancien” dp. 1680] ; FEW 2, 6a ; ANDEl), frpr. tsevaodzi (dp. 1411/1412 [chavouchiron prét. 6], Marzys in GPSR 3, 531 ; FEW 2, 6a), occit. ˹cavalcar˺ (dp. ca 1060 [cavalgar], SFoiHA 1, 326 ; AppelChrestomathie 33 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 s.v. cavalcadar ; Mistral ; FEW 2, 6a), gasc. ˹cabalcà˺ (dp. 1456/1457 [chibauche prét. 1], UgolIned 388 ; Palay ; FEW 2, 6a), cat. cavalcar (dp. ca 1080 [cavalcaré fut. 1 « ferai un raid à cheval »], DECat 2, 649 ; MollSuplement n° 606 ; DCVB ; FaraudoVocabulari)3, esp. cabalgar (dp. 1073 [kabalkar], DCECH 1, 708 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. cabalgar (dp. 12e s. [calualgar], DELLAMs ; DGLA), gal. cabalgar/port. cavalgar (dp. 1264/1284 [cavalgou prét. 3], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).

I.2. Sens « monter (un cheval ou un autre animal) » (emploi transitif direct)
*/kaβall‑ɪˈk‑a‑re/ > sard. kaḍḍikare v.tr.dir. « monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture), chevaucher » (DES ; CasuVocabolario)4, istriot. cavalcà (PellizzerRovigno), it. cavalcare (dp. 4e qu. 12e s. [avén.], TLIO ; DELI2 ; LEI 9, 41), fr. chevaucher (dp. 2e t. 12e s., TL ; GdfC ; TLF ; ANDEl), frpr. tsevaodzi (dp. 1225 [ms. ca 1375 ; chavauche prés. 3], DocLyonnais 85 = HafnerGrundzüge 171 ; GPSR 3, 531), occit. ˹cavalcar˺ (dp. 1184/1205 [cavalguar], Raynouard ; Mistral), cat. cavalcar (dp. 1292 [cavalch prés. 3], DCVB ; FaraudoVocabulari), aesp. caualgar (1250 – ca 1499 [caualgaua impf. 3], Kasten/Cody ; DiCCA-XV), gal. cabalgar/port. cavalgar (dp. 1223 [caualgar fut. subj. 3], LegesConsuetudines 1, 595 ; DDGM ; Buschmann ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).

II. Sens « être à califourchon (sur) » (emploi transitif direct)
*/kaβall‑ɪˈk‑a‑re/ > sard. kaḍḍikare v.tr.dir. « être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, être à califourchon (sur) » (PudduDitzionàriu s.v. cadhicare), it. cavalcare (dp. av. 1336 [atosc.], TLIO ; LEI 9, 56-57), fr. chevaucher (dp. 13e s., TLF ; FEW 2, 7a), frpr. tsevaodzi (GPSR 3, 531), occit. ˹cavalcar˺ « se superposer (à) en se prolongeant, empiéter (sur) » (LevyPetit [intr.] ; Mistral), acat. cavalcar « être à califourchon (sur) » (2e m. 14e s. [cavalca prés. 3], CICA), esp. cabalgar « empiéter (sur) » (DRAE22), agal./port. cavalgar « être à califourchon (sur) » (dp. 1240 [un caralho, de que cavalguedes « un pénis que vous enfourchez »], TMILG ; Houaiss).

III. Sens « s’accoupler (avec une femelle) » (emploi transitif direct)
*/kaβall‑ɪˈk‑a‑re/ > logoud. kaḍḍigare v.tr.dir. « s’accoupler (avec une femelle), saillir » (DES ; PittauDizionario 1 s.v. cabaddicare, caddicare ; AIS 1136 p 937 [« couvrir (une poule), côcher »]), it. cavalcare (dp. 1ère m. 14e s. [atosc.], TLIO ; LEI 9, 59 ; AIS 1136 p 574 [« couvrir (une poule), côcher »] ; cf. AIS 1051 p 158, 1051* p 327 [˹vace ca ciavalge˺ « vache qui tente tout le temps de monter sur un taureau »]), romanch. cavalgiar (HWR ; LRC [pron.]), fr. chevaucher (dp. ca 1370/1407, Martin in DMF2012 ; FEW 2, 7a ; TLF), frpr. tsevaodzi (GPSR 3, 532), occit. ˹cavalcar˺ intr. « monter sur d’autres vaches (vache en chaleur) » (ALP 686* p 25, 157 [˹cavauco˺ prés. 3] ; ALLOc 379 [˹cabalgo˺ prés. 3] ; ALMC 401 [˹cavalèdge˺ prés. 3]), cat. cavalcar tr.dir. « saillir » (dp. av. 1436 [caualcaue prés. 3], DCVB ; FaraudoVocabulari), esp. cabalgar (dp. 1270, Kasten/Cody ; DME ; DiCCA-XV s.v. cavalgar ; DRAE22), agal./aport. cavalgar (1240/1260 – 1570, TMILG ; CardosoLatinolusitanicum).

Commentaire. – À l’exception du roumain5, du dalmate et du ladin, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */kaˈβall‑ik‑a‑/6 v.intr./tr. « être sur le dos d’un cheval, être en selle ; monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture), chevaucher ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, être à califourchon (sur) ; s’accoupler (avec une femelle), saillir »7, dérivé en */‑ik‑/ (suffixe formateur de verbes dénominaux, cf. CooperFormation 239-241 ; Leumann1 § 225 e ; HallMorphology 147 ; cf. aussi MeyerLübkeGLR 2, § 577) de */kaˈβall‑u/ (cf. StefenelliSchicksal 63 n. 82).
Les données romanes ont été classées selon le sémantisme et la valence qu’elles présentent : « être en selle » (intr., ci-dessus I.1.), « monter (un cheval) » (tr.dir., ci-dessus I.2.), « être à califourchon (sur) » (tr.dir., ci-dessus II.) et « s’accoupler avec » (tr.dir., ci-dessus III.).
Le corrélat du latin écrit, caballicare, n’est connu que tardivement par deux attestations, l’une dans le sens « aller à cheval » (intr., av. 533 [Anthimus], TLL 3, 3 = SouterGlossary ; cf. ci-dessus I.1.), l’autre dans celui de « monter (un cheval) » (tr.dir., 6e s. [Loi salique], TLL 3, 3 , cf. ci-dessus I.2.). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat du lexème dans les sens II. et III.
Du point de vue diasystémique (latin global), protorom. */kaˈβall‑ik‑a‑/ est donc à considérer comme un particularisme de l’oral – ou plus précisément de l’‛immédiat communicatif’ – qui n’a pas eu accès au code écrit (sens II.2. et II.3.) ou seulement très peu et très tardivement (sens I. et II.1). Inversement, lat. equitare v.intr. « aller à cheval » (dp. Cicéron [* 106 – † 43], TLL 5/2, 729), non transmis aux langues romanes (Ø REW3 ; Ø FEW), s’attache typiquement au code écrit et à la ‛distance communicative’ (cf. la situation analogue de protorom. */kaˈβall‑u/ et de lat. equus).
Pour un complément d’information, cf. */dɪs‑kaˈβall‑ik‑a‑/ et */ɪn‑kaˈβall‑ik‑a‑/.

Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 306-307, 341-349, 405, 409, 413, 443, 446, 539, 545, 555-557, 563, 566 ; REW3 s.v. cabăllĭcāre ; Ernout/Meillet4 s.v. caballus ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 6a-7b, caballicare ; LausbergLinguistica 1, § 173-175, 253, 273, 284-290, 314-318, 373, 396-398, 401, 494-498, 565 ; HallPhonology 225 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 280 ; Panzera/Pfister/Hohnerlein 2004 in LEI 9, 33-82, caballicāre.

Signatures. – Rédaction : Élodie Jactel ; Éva Buchi. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Marie-Guy Boutier ; Pierre Swiggers ; Valentin Tomachpolski. Romania du Sud-Est : Victor Celac ; Cristina Florescu. Italoromania : Giorgio Cadorini ; Maria Iliescu ; Yusuke Kanazawa ; Marco Maggiore ; Simone Pisano ; Paul Videsott. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Maria Reina Bastardas i Rufat ; Myriam Benarroch ; Ana Boullón ; Ana María Cano González ; Fernando Sánchez Miret. Révision finale : Wolfgang Schweickard. – Contributions ponctuelles : Esther Baiwir ; Jérémie Delorme ; Steven N. Dworkin ; Xosé Lluis García Arias ; Xavier Gouvert ; Yan Greub ; Günter Holtus ; Maria Iliescu ; Laura Matergia ; Bianca Mertens ; Alexandra Messalti ; Mihaela-Mariana Morcov ; Florin-Teodor Olariu.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/03/2014. Version actuelle : 04/08/2021.

 


1. La forme du frioulan contemporain (cjavalgjâ) manifeste une irrégularité non expliquée ([-ɟa]) ; celle de la première attestation (chiavaglià [-ja]) est régulière (cf. */karr‑ɪˈk‑a‑re/ > frioul. cjariâ). – Lad. cavalchè v.intr. « aller au trot » est emprunté à l’italien (cf. Kramer/Schlösser in EWD).
2. Surs. cavalcar « id. » n’est pas indigène (italianisme [?], cf. Schorta in DRG 3, 492).
3. L’ancien catalan connaît une variation libre entre cavalgar (cavalgar inf., cavalg[u]a prés. 3, cavalguan prés. 6, cavalgada[s] part. p.) et cavalcar (cavalcar inf., cavalcarà fut. 3, cavalcan part. prés., cavalcat/cavalcades part. p.), cf. DECat 2, 649. Ce n’est pas la variante cavalgar, plus régulière (cf. BadiaGramàticaHistòrica § 69), qui s’est imposée, mais cavalcar, qui témoigne d’une syncope intervenue à date ancienne susceptible de bloquer la sonorisation (cf. BadiaGramàticaHistòrica § 90 ; MollMartíGramàticaHistòrica § 441).
4. Nous n’avons pas relevé d’attestation ancienne de ce sens (le phonétisme de caualcare dans LupinuLogu 168 traduit un emprunt au toscan).
5. La branche roumaine a maintenu le dérivé */ɪn‑kaˈβall‑ik‑a‑/. Pour ce qui est de transylv. căleca « monter en selle », seulement connu à travers deux attestations (1888 – 1899, DA/DLR [la troisième attestation citée par DA/DLR est erronée : il s’agit en réalité du verbe încăleca, cf. Neculce, L. 79]), le sens inchoatif qu’il présente montre clairement qu’il s’agit d’une rétroformation (cf. Candrea-Densusianu n° 213). Le sens « aller à cheval » est attaché au verbe a călări (dp. 1650, MDA ; Tiktin3), dérivé de călare adj. « à cheval » (cf. Cioranescu n° 1305).
6. Protorom. */kaˈβall‑ik‑a‑/ se reconstruit à partir de protosard. */kaˈβall‑ik‑a‑/ et de protorom. italo-occidental */kaˈβallk‑a‑/ (cf. Faré n° 1439 : “per l’it. cavalcare [...] e il franc. chevaucher risaliremo a un già latino *cabalcare”).
7. Ce lexème a été emprunté par le grec : mgr. καβαλλικεύειν v.intr. « aller à cheval » (MihăescuRomanité 374 ; cf. MihăescuInfluenţa 172).

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