C.N.R.S.
 

DÉRom en anglais
 
Dictionnaire Étymologique Roman
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*/monˈt‑ani‑a/ s.f. « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain ; importante élévation de terrain »

*/monˈt‑ani‑a/ > campid. sept. muntánğa s.f. « importante élévation de terrain, montagne » (DES ; PittauDizionario 1)1, it. montagna « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain, région montagneuse ; montagne » (dp. déb. 13e s. [alomb. ; « montagne »], TLIOCorpus ; DELI2 s.v. monte ; AIS 421 [général])2, romanch. muntagna/muntogna (dp. 1560 [muntagna « montagne »], GartnerBifrun 140 ; HWR s.v. muntogna ; EichenhoferLautlehre § 51 ; AIS 421 p 7 [[mun’tɔɲa]]), fr. montagne (dp. ca 1100 [muntaigne « région montagneuse ; montagne »], TL s.v. montaigne ; GdfC ; FEW 6/3, 100b-101a ; TLF ; AND2 s.v. muntaine ; ALF 874), frpr. montagni (dp. ca 1220/1230 [montaigni], ProsalegStimm 24, 48, 50, 52 ; GononPoncins ; FEW 6/3, 100b-101a ; DAOSuppl n° 169 [montagny] ; ALF 874), occit. montanha (dp. 1er t. 12e s., AppelChrestomathie ; DAO n° 169 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; Mistral ; FEW 6/3, 100b-101a ; ALF 874), gasc. montanhe (dp. 12e s. [montagna], DAG n° 169 ; Palay ; FEW 6/3, 101a ; ALF 874), cat. muntanya (dp. av. 1276 [« montagne »], DCVB ; DECat 5, 836), esp. montaña (dp. fin 12e/déb. 13e s. [montana « région montagneuse couverte de végétation »], Kasten/Cody s.v. montanna ; DCECH 4, 131 ; DME ; Kasten/Nitti), aast. montaña (1288 [montanna] – av. 1376 [ms. 13e/14e s. ; montana], DELLAMs), gal. montaña/port. montanha (dp. 1264/1284 [montanna « montagne »], CunhaVocabulário2 ; DRAG1 ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss).

Commentaire. – À l’exception du roumain, du végliote, du frioulan et du ladin3, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */monˈt‑ani‑a/ s.f. « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain, région montagneuse ; importante élévation de terrain, montagne ». Ce lexème s’analyse, en synchronie protoromane, comme un dérivé en */‑ˈani‑/, suffixe (rare) à valeur collective (« ensemble de x », MeyerLübkeGLR 2, § 460)/topographique (« terrain où se trouvent des x », Heidemeier,DÉRom 1), de */ˈmɔnt‑e/ s.m. « importante élévation de terrain »4.
Une analyse morpho-sémantique incite à considérer le sens « région montagneuse » de protorom. */monˈt‑ani‑a/ comme originel. Étant donné la très large correspondance diaromane (cf. n. 1 pour le sarde), le sens secondaire singulatif « montagne », dans lequel les continuateurs du dérivé en sont venus à concurrencer ceux de */ˈmɔnt‑e/5, doit lui aussi être projeté sur la protolangue.
Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */monˈt‑ani‑a/. Du point de vue diasystémique (latin global), */monˈt‑ani‑a/ est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) de la variété B (basse) qui n’a eu aucun accès à la variété H (haute), en tout cas à l’écrit6.

Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 302-305, 404-405, 485, 512 ; REW3 s.v. *mŏntanea ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis ; Baldinger 1966 in FEW 6/3, 100b-104b, *montanea ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173-175, 230-237, 251, 253 ; 2, § 299, 415, 463 ; SalaVocabularul 561.

Signatures. – Rédaction : Victor Celac. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre Chambon. Romania du Sud-Est : Cristina Florescu ; Maria Iliescu ; August Kovačec ; Johannes Kramer. Italoromania : Giorgio Cadorini ; Simone Pisano ; Paul Videsott. Galloromania : Jean-Paul Chauveau. Ibéroromania : Myriam Benarroch ; Ana María Cano González ; Ana Sisto. Révision finale : Éva Buchi. – Contributions ponctuelles : Jérémie Delorme ; Steven N. Dworkin ; Xosé Lluis García Arias ; Yan Greub ; Günter Holtus.

Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 06/03/2012. Version actuelle : 02/07/2020.

 


1. Dans le domaine sarde, ce lexème n’est conservé comme appellatif qu’en campidanais septentrional (“barb.” [= barbaricino], DES). Par ailleurs, il subsiste comme toponyme, où son sens sous-jacent est « région montagneuse », en campidanais central (DES : “Muntánğa nome di una regione montagnosa fra Villacidro, Gonnosfanádiga e Arbus”). Le reste du domaine ne connaît que mònte/mònti s.m. (< */ˈmɔnt‑e/) et l’italianisme ˹muntáña˺ s.f. (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 421).
2. Pour ce qui est du frioulan, il présente montagne s.f. (dp. 1867, PironaN2 ; IliescuFrioulan 132 n. 6 ; GDBTF ; AIS 421 p 338, 348, 357 ; ASLEF 34 n° 183, 184), dont le caractère héréditaire est peu probable : il s’agit plutôt d’un italianisme, étant donné son attestation tardive et le parallélisme avec campagne s.f. « campagne » (< it. ou vén., Francescato in DESF).
3. Dans ces idiomes – de même qu’en asturien, où le continuateur de */monˈt‑ani‑a/ s’est éteint au plus tard au 14e siècle –, ce sont les issues de protorom. */ˈmɔnt‑e/ qui sont bien implantées.
4. Pour ce qui est de l’analyse dérivationnelle diachronique de */monˈt‑ani‑a/, la communis opinio (cf. FEW 6/3, 104a ; DCECH 4, 131 ; DECat 5, 836 ; DME) consiste à considérer, comme le suffixe */‑ˈani/ sert surtout à former des adjectifs (MeyerLübkeGLR 2, § 460 : “vorwiegend adjektivisch”), que */monˈt‑ani‑a/ est le résultat d’une ellipse à partir d’un syntagme comportant le pluriel neutre d’un */monˈt‑ani‑u/ adj. « formé de montagnes, montagneux » (cf. BourciezLinguistique § 202d pour d’autres exemples de “raccourcissements d’expressions”), non reconstructible à partir des données romanes (Ø REW3 ; Ø FEW) et non attesté en latin écrit de l’Antiquité (Ø TLL). Cf. toutefois l’analyse détaillée de Heidemeier,DÉRom 1, qui y voit le résultat d’une double dérivation : */monˈt‑an‑i‑a/ s.f. < */monˈt‑an‑u/ s.m. « montagnard » < */ˈmɔnt‑e/.
5. Cf. FEW 6/3, 104a : “schon im afr. begann *montanea das simplex mons zu verdrängen […], wobei es auch den kollektiv-augmentativen sinn mehr und mehr einbüsste, der nur noch formal in redensarten wie aller à la montagne, etc. durchschimmert”.
6. Si le substantif n’a pas eu accès au code écrit, on relève en revanche dans ce dernier le surdérivé montaniosus adj. « formé de montagnes, montagneux » (Gromatici [av. 6e s. ; in montanioso loco], TLL 8, 1457-1458 ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis).

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