Entretien avec Éva Buchi, directrice de recherche CNRS à l’ATILF
à l’occasion de sa nomination en tant que correspondante de l’Accademia della Crusca, le 29 avril 2025.

« Qu’est-ce que l’Accademia della Crusca ? »
Éva Buchi : L’Accademia della Crusca, « la Crusca » pour les intimes, est la plus ancienne société savante dans le domaine de la linguistique de l’Occident. Fondée en 1583 – bien avant l’Académie française, créée en 1634 – à Florence, elle œuvre notamment pour une recherche et une formation d’excellence dans le domaine de la linguistique et de la philologie italiennes. Cette cause pluriséculaire remonte en droite ligne au dictionnaire de l’institution (le Vocabolario), publié pour la première fois en 1612 – pour mémoire, la première édition du dictionnaire de l’Académie française ne date que de 1694. De nos jours, ce cœur de métier de l’Accademia se complète (depuis 1990, année de lancement de la revue La Crusca per voi) d’une action de consultation linguistique qui s’adresse prioritairement aux établissements scolaires et autres institutions, mais en réalité à la société civile tout entière, ainsi que d’une activité au service du plurilinguisme en Europe – une question qui nous est chère aussi ici en Lorraine.
« Quelle activité de recherche vous a-t-elle valu cette nomination en tant que membre correspondant étranger de l’Accademia della Crusca ? »
ÉB : N’étant pas italianiste, je ne présente pas le profil type d’un membre de l’Accademia della Crusca : on peut penser que c’est ma recherche en linguistique historique romane, et plus précisément dans le cadre du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), qui a motivé mon élection. En effet, l’histoire de l’italien, de sa standardisation, de son statut sociolinguistique et de sa relation avec ses dialectes (encore très vivants), ainsi qu’avec les autres idiomes romans parlés sur le territoire national (sarde, frioulan, ladin, francoprovençal), se dégage mieux devant la toile de fond que constitue la linguistique romane.
« Quel sentiment cette nomination vous inspire-t-elle ? »
ÉB : Je me sens extrêmement honorée.
« Voyez-vous une plus-value de votre nomination pour le laboratoire ATILF, pour le CNRS et pour l’université de Lorraine ? »
ÉB : Outre de m’inviter à participer aux activités de l’institution, la lettre de nomination du président Paolo D’Achille stipule que ses structures (bibliothèque, archives, hôtellerie, secrétariat) sont à la disposition de mes élèves – et, je suppose, de mes collègues ; elle mentionne aussi un échange de publications. Mais je souhaiterais surtout partager avec les lecteurs de Factuel une information concernant le site web de la Crusca : pour qui s’intéresse à l’italien et à son histoire, la section « Scaffali digitali » représente un véritable pays de Cocagne. On y trouve, en effet, non seulement les différentes éditions du Vocabolario della Crusca, mais aussi un très grand nombre d’autres dictionnaires ; une base de données de premières attestations ; le Vocabolario dantesco, qui examine le lexique de Dante en s’appuyant sur la variation manuscrite de son œuvre ; des ressources sur la littérature, la grammaire, la culture, l’histoire de l’art, la télévision, la politique, la pêche ; des guides touristiques, des journaux, et beaucoup d’autres pépites encore. Cette bibliothèque numérique très riche vaut vraiment le détour pour tout internaute un tant soit peu curieux de la culture italienne !
Contact
Éva Buchi | eva.buchi [at] cnrs.fr | Page perso
Aller plus loin
Lire l’article sur le site de l’Accademia della Crusca.
Lire l’entretien d’Éva Buchi à l’occasion de sa nomination en tant que membre d’honneur de l’Académie de la Langue Asturienne (ALLA) en 2024.
Décembre 2025 | © ATILF | Photo C. Poirel