Axe Diachronie
L’axe transversal Diachronie (DIA) rassemble les chercheurs qui s’interrogent sur l’évolution de la langue et sur ses états anciens. Le laboratoire s’inscrit depuis longtemps dans le champ de la lexicologie historique, notamment par les recherches en étymologie française et romane et par la constitution de corpus textuels sur les périodes anciennes du français. Il n’y a pas d’opposition entre diachronie et synchronie, mais deux regards complémentaires : avec la diachronie, qu’elle soit longue ou courte, la langue est pensée comme un système dynamique, soumis à une évolution, en grande partie invisible, mais que l’on peut appréhender à travers des changements observables, et que l’on peut tenter de reconstruire. Dans cette perspective, la langue n’est pas un objet fait, mais une activité en train de se faire, avec ses hésitations et ses essais de transformation interne, sous l’influence également de facteurs externes, sociolinguistiques.
Responsables :
Sylvie Bazin-Tacchella sylvie.bazin [at] univ-lorraine.fr
Julie Glikman julie.glikman [at] atilf.fr
L’axe transversal Diachronie rassemble des projets divers qui ont pour point commun un ancrage important en diachronie, qu’il s’agisse du champ des recherches, des ressources ou des outils créés , ou encore de questionnements en grande partie historiques. Sur le plan thématique, les travaux de cet axe transversal s’inscrivent essentiellement dans les axes Lexique et De la syntaxe au discours, mais ils pourraient également s’inscrire dans l’axe Didactique des langues et sociolinguistique, notamment pour sa partie sociolinguistique.
1) Etymologie
L’ATILF est généralement considéré aujourd’hui comme l’un des principaux centres de la recherche étymologique en domaine roman, avec le centre du Lessico etimologico italiano (Sarrebruck) et, jusqu’à l’an dernier, Heidelberg (Dictionnaire étymologique de l’ancien français). Il a acquis cette position en 1993, au moment de l’implantation du Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW), dans le cadre d’un accord avec le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), et s’appuyait alors sur les moyens et les compétences qui avaient été mis en place pour la rédaction des notices étymologiques du TLF. Depuis, deux nouveaux projets sont venus renforcer cette position : la création du TLF-Etym (révision des notices étymologiques du TLF, qui a en fait donné lieu à des avancées théoriques importantes sur l’étymologie des créations contemporaines) puis, surtout, celle du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), en 2007, qui a appliqué à l’étymologie romane la méthode reconstructionniste. Cette approche, presque entièrement inédite en linguistique romane, est une grande singularité du dictionnaire, ce qui a entraîné d’une part des débats nourris, d’autre part l’adhésion d’une part importante de la plus jeune génération. Les implications méthodologiques de ce choix ne sont apparues dans tout leur ampleur qu’au cours du travail de rédaction, et continuent à occuper une part importante des travaux du dictionnaire lors de ses Ateliers internationaux annuels. Le travail de rédaction au FEW, quant à lui, s’inscrit dans la ligne de la méthode wartburgienne et de son développement récent (en particulier par Jean-Pierre Chambon) ; la formation de rédacteurs a pour but de maintenir la connaissance et la pratique de la méthodologie étymologique la plus raffinée, qui ne peut s’exercer (et s’enrichir) que par le travail concret d’étymologisation, et qui risquerait d’être perdue sans son exercice, dans le cadre idéal du FEW, par les nouvelles générations.
La position du laboratoire dans le domaine de la recherche en étymologie sera aussi maintenue et développée par ses collaborations avec les autres centres de recherche du domaine, par la mise en relation de ses données par voie électronique et automatisée (au niveau européen et à l’intérieur du laboratoire) et par le développement des outils de recherche sur ces ressources. Le travail de recherche dans ce domaine se fera aussi indépendamment des projets lexicographiques mentionnés ici : un manuel sur l’étymologie romane sera publié sous la direction d’Eva Buchi, avec la collaboration de nombreux membres de l’équipe.
2) Traitement des états anciens du français
Le projet initial du Dictionnaire du Moyen Français (DMF), conçu par Robert Martin, a pu se déployer par enrichissements successifs et aboutir aux différentes versions du Dictionnaire en ligne (dernière en date : 2020). Le dictionnaire électronique, en accès libre, apporte une aide irremplaçable pour la lecture des textes anciens, grâce à la lemmatisation des formes rencontrées dans les corpus. En effet, l’une des difficultés majeures d’accès aux états anciens est une très grande variation graphique qui s’ajoute aux autres types de variations linguistiques ou socio-linguistiques connues. Au-delà de la continuité du projet lexicographique du DMF, de nouveaux développements de l’outil de lemmatisation (LGeRM) ont conduit à la création d’une plate-forme de lemmatisation et d’aide à la construction de glossaires : les textes médiévaux traités n’appartiennent pas tous à la période du moyen français, qui est la période de référence du Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) ; des textes d’ancien français ont pu être lemmatisés avec des ajustements mineurs et l’outil a pu s’adapter aux textes postérieurs (16e et 17e siècles). L’utilisation combinée des ressources (lemmatisation et étiquetage morpho-syntaxique) a montré son efficacité dans le processus d’adaptation à une période intermédiaire entre le moyen français et la langue couverte par le TLF et Morphalou. Il s’agira de poursuivre ce déploiement dans le champ du Traitement automatique des états anciens du français. L’adaptation à de nouveaux projets enrichira l’outil et produira des ressources nouvelles qui permettent en retour d’approfondir la connaissance des états de langue anciens du français et de leur évolution. Des projets portant sur des lexiques spécialisés sont également favorisés, comme la formation du lexique médical à partir du corpus de textes médicaux (CHrOMED, avec Michèle Goyens, UCL) ou le lexique musical de la Renaissance avec Cristina Diego-Pacheco, associée depuis longtemps au laboratoire et qui l’aura pleinement intégré lors du prochain contrat.
3) Philologie
En liaison avec nos travaux sur les états anciens du français s’est développée une activité plus directement philologique, et nous comptons lui donner plus de place encore dans le prochain contrat. Le projet Ovide en français, déjà présent dans le laboratoire depuis plusieurs années, se poursuivra. Le dépôt du texte sur le site de l’ATILF avait une double fonction : mettre à disposition (en accès libre) le texte de notre édition, y compris ses variantes, pour permettre des recherches et des traitements ; lier le texte de l’édition au glossaire, lequel serait élaboré à l’aide des outils développés au laboratoire et déposé au fur et à mesure du progrès de l’édition sur notre site. Ce modèle, qui nous a semblé réussi et prometteur, sera poursuivi. Les méthodes d’édition électronique développées par Bertrand Gaiffe dans ce cadre donneront lieu à une publication.
Ce texte n’est qu’un des exemples des sollicitations reçues par l’ATILF pour la publication de textes électroniques ; outre ceux qui sont déjà en ligne, on peut ajouter la proposition, de la part d’un projet belgo-suisse, de déposer chez nous l’édition des continuations du roman médiéval des Sept sages de Rome. Il faudra probablement que le laboratoire donne toute sa place à la plate-forme de publication de textes médiévaux que devient son site. La réflexion que cela induit quant à la constitution de bases de données, la comparabilité des interventions éditoriales et l’accès aux matériaux exclus du texte critiqué (variantes, informations paléographiques, ponctuation, leçons rejetées, informations négligées) doit se maintenir, et influera sans doute sur la constitution et l’annotation des autres bases du laboratoire, et en particulier Frantext.
Les membres de l’axe contribuent aussi directement à l’activité philologique : outre l’édition ovidienne mentionnée (Y. Greub), S. Bazin dirige un projet d’édition de Philippe de Vigneulles, tandis que Barbara Francioni prépare une thèse consacrée à l’étude d’un chansonnier franco-occitan. On mentionnera encore la participation de Y. Greub à un projet de dictionnaire des concepts de la philologie, en collaboration avec des savants italiens, français et belges surtout et un projet de collectif sur l’histoire et les méthodes de la philologie, faisant suite à d’autres publications dans ce domaine.
4) Linguistique diachronique
Le laboratoire s’inscrit depuis longtemps dans le champ des études diachroniques du français sur corpus textuels anciens, avec des thèses et des contributions scientifiques en morphologie (S. Bazin, Ch. Weyh) ou en syntaxe historique (B. Combettes, B. Bouard), ou un projet comme celui du Dictionnaire en ligne des constructions du verbe français au 16e s. (J.-M. Jézéquel, B. Combettes) qui a obtenu un financement de la Communauté urbaine du Grand Nancy, ce qui est assez exceptionnel. Pour structurer et animer ce champ de recherches transversal, est née l’idée d’un groupe de travail exploratoire sur la variation et la norme (C. Benzitoun et S. Bazin). L’objectif est de favoriser la circulation des idées, de lancer des collaborations entre membres des différentes équipes, en confrontant des travaux sur certaines questions en diachronie longue ou très courte, sur des périodes anciennes ou au contraire très proches. Deux journées d’études, intitulées Variation(s) ont d’ailleurs été organisées au laboratoire, les 17 et 18 novembre 2022, par B. Bouard et J. Glikman (U. de Strasbourg, en délégation à l’ATILF).
5) Métalinguistique et historiographie de la linguistique romane
La variation est également envisagée d’un point de vue théorique et épistémologique à travers deux projets portant sur le méta-discours théorique portés par A.-M. Chabrolle-Cerretini, d’une part la rédaction d’un essai sur le concept clé du linguiste allemand W. von Humbolt, celui de forme interne, en résonance avec la problématique hispanique de la variation diachronique et diatopique du castillan, d’autre part de la poursuite du projet D.HI.CO.D.E.R. (Dictionnaire HIstorique des COncepts Descriptifs de l’Entité Romane) qui interroge l’historiographie de la linguistique romane à travers les concepts qu’elle a utilisés depuis le 19e siècle à nos jours.
16 février 2024 : 2ᵉ Journée thématique transversale de l’axe : La formation de langues de spécialité (droit, médecine, musique) en arabe, en français et en espagnol
11 et 12 septembre 2023 : 18ᵉ Atelier DÉRom, à l’ATILF
24 mars 2023 : Remise des insignes et titre de docteur honoris causa au professeur Steven N. Dworkin
17 et 18 novembre 2022 : Journées d’études « Variations en français », organisées par Bérengère Bouard et Julie Glikman
Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom)
Responsable : Éva Buchi eva.buchi [at] atilf.fr
Site Web
Französisches Etymologisches Wörtebuch (FEW)
Responsable : Yan Greub yan.greub [at] atilf.fr
Site Web
Moyen français et autres états anciens du français
Responsable : Sylvie Bazin-Tacchella sylvie.bazin [at] univ-lorraine.fr
Variations
Responsables : Sylvie Bazin sylvie.bazin [at] univ-lorraine.fr Christophe Benzitoun christophe.benzitoun [at] atilf.fr