Retour sur l’exposition poil

Retour en images sur … l’exposition poil

 


Visualiser l’album photos

 

L’ATILF c’est au poil ! … Le temps d’une exposition

L’ATILF a su se placer et a mené un partenariat original linguistique avec le Muséum aquarium de Nancy le temps d’une exposition. Ce lieu de médiation scientifique, rue Godron, a l’habitude d’ouvrir ses portes au grand public lorrain via des visites commentées, des accueils de scolaires, des soirées nocturnes, des expositions temporaires, etc.

L’occasion pour notre laboratoire d’ouvrir une page étymologique sur le mot POIL qui est le sujet hors norme de leur dernière exposition.

Bernard Combettes, professeur émérite de l’Université de Lorraine, grammairien, de l’équipe de recherche Discours a joué le jeu, a relevé le défi d’un écrit détaillé (transformé en planches de dessin) sur le POIL ET SES ORIGINES.

L’origine latine

Le mot français « poil » a pour origine le terme latin pilus, qui désigne à la fois le poil et le cheveu.
Le latin possède en fait trois mots pour désigner les cheveux, mais leur sens n’est pas exactement identique :
pilus, qui désigne le cheveu isolé et le poil, ce dernier sens étant le plus fréquent ;
capillus, qui renvoie plutôt à la chevelure, à l’ensemble des cheveux, et qui deviendra le français cheveu ;
crinis, qui, à l’origine, désigne une coiffure féminine en forme de tresses, puis toute espèce de langue chevelure, qui donnera en français crin.
Le mot latin pilus entre dans des expressions latines où il renvoie à l’idée de quelque chose de fin, de ténu : le latin a ainsi une locution qui correspond au français : « il s’en faut d’un cheveu », ou encore l’équivalent de l’expression : « pas un cheveu », pour désigner une chose sans importance.

L’évolution en français

Le français réorganise l’ensemble hérité du latin en distinguant poil, cheveu et crin. Mais cette réorganisation n’est pas immédiate et il faut attendre la période classique (17ème – 18ème siècles) pour que soit vraiment établie la répartition des divers sens que nous connaissons aujourd’hui.
En ancien français, le sens de poil n’a pas encore la précision qu’il aura en français moderne : il peut, comme en latin, non seulement renvoyer au « poil » mais aussi au « cheveu ». Il en va de même pour crin, qui peut désigner, dès l’origine, le poil d’un animal mais aussi la chevelure jusqu’au 17e siècle. C’est finalement cheveu qui est le plus précis de ces trois mots : le français n’ayant pas conservé le sens de « poil » que pouvait avoir le latin capillus, ce n’est que le sens de « cheveu » qui est attesté en français et qui se maintient sans changement au cours de l’histoire.

Dès l’ancien français, le terme de poil peut s’appliquer aux animaux, d’où son emploi pour désigner une peau d’animal garnie de poil utilisée dans l’habillement (12e siècle).
Par extension, « poil » s’est même appliqué au plumage des oiseaux.
On a utilisé le terme de poil dans le domaine du tissage pour désigner un fil de soie ou de coton, en particulier à propos du velours. Un « velours à trois poils » est un velours dont la trame est formée de trois fils, un velours de bonne qualité.
A ce propos, on peut remarquer que le mot velours trouve sans doute son origine, comme velu et velouté, dans le terme latin villosus (« couvert de poils »), lui-même dérivé de villus, qui désigne une touffe de poils.
Poil s’est également employé pour faire référence à la villosité d’une plante (15e siècle), d’où l’expression « poil à gratter » (1860).

Les mots de la famille de « poil » ne sont pas très nombreux. On peut par exemple citer : poilu, pileux, se poiler, épiler, dépilatoire, pelage, pilou.
Le verbe peler a aussi son origine dans poil : « peler le cuir » signifie : ôter le poil de la peau de l’animal. En ancien français, « peler », c’est devenir chauve. Un vestige de ce sens est resté dans l’expression : « trois pelés et un tondu », littéralement : « trois chauves et un tondu ». L’ancien français possédait en fait deux formes pel, l’une, au masculin, issue de pilus, qui désignait le poil, l’autre, au féminin, issue du latin pellis, qui désignait la peau. Une confusion s’est produite dès l’origine : peler a été rapproché de peau, et a pris le sens de « ôter la peau ».

L’origine du verbe se poiler (1893) n’est pas très claire ; il faut peut-être le rattacher au verbe « s’époiler » (s’arracher les poils) ; « époilant » est attesté en 1889 avec le sens de « drôle ».
S’arracher les poils en voyant quelque chose de drôle ? Pourquoi pas ? On se tord bien de rire !
La relation avec le mot poil est encore moins évidente pour trois termes qui se rattachent pourtant à la même famille. Il s’agit de pelouse, de peluche et du verbe éplucher :
pelouse : terme sans doute emprunté au provençal pelouso au 16e siècle. Il s’agit du féminin de l’adjectif pelous (« couvert de poils »), correspondant à l’ancien français peleus (12e s.) et à pileux du français moderne. Le terrain couvert de gazon est comparé à un pelage.
peluche (1591) : nom dérivé du verbe de l’ancien français peluchier : « nettoyer, démêler des poils embrouillés ».
éplucher : qui apparaît d’abord sous la forme espeluchier, composé du préfixe es- et du verbe peluchier, qui vient d’un verbe du latin familier signifiant littéralement « épiler ». Le verbe a d’abord pour sens « nettoyer en enlevant les parties inutiles ».

De nombreuses locutions

Au cours de l’histoire du français, le mot poil est entré dans de nombreuses expressions, souvent familières. Dans certains cas, il est utilisé avec son sens propre, dans d’autres, il prend une valeur métaphorique et représente ainsi la virilité, la force, le courage, mais il peut également évoquer la petite dimension.

Avec son sens propre

Les caractéristiques du poil donnent lieu à bon nombre de locutions :

> Le poil qui se dresse, qui se hérisse, est un signe de peur, d’où la locution : n’avoir poil au cul qui ne tremble (avoir peur).
Le verbe horripiler évoque le fait d’avoir le poil hérissé. C’est le sens du verbe latin horripilare, combinaison de pilus et du verbe horrere, qui a pour premier sens « se dresser », en parlant des cheveux ou des poils ; il évolue ensuite vers le sens de « frissonner, trembler » et donc de « craindre ». Le mot a évolué en français vers le sens figuré d’« exaspérer ».

> Prendre (une occasion) au poil (poil a le sens ancien de « cheveu ») : « saisir l’occasion ».

> Le poil comme manière d’être, caractère :

être de bon ou de mauvais poil (1833)
changer de poil signifie, au 16e s., « changer de caractère, d’attitude »
eschauffer le poil : « flatter » ; « inciter »

> Le sens du poil :

encontre poil (12e s.) a été remplacé par « à rebrousse-poil »
aller contre le poil : « aller à rebrousse-poil »
contre poil et contre ongle : « à rebours »
avoir le poil rebours : « être revêche »
caresser dans le sens du poil : « flatter »
à poil (1858), qui a été précédé par « à cru » ; monter un cheval à poil se disait au 17e siècle avec le même sens que monter un cheval à cru, c’est-à-dire sans selle.

> Avoir un poil dans la main (1808)
> Reprendre du poil de la bête (17e s.) (prendre au 16e s.) : Allusion à la pratique qui consiste à mettre sur une morsure, pour la guérir, le poil de l’animal qui a mordu, d’où l’idée de « reprendre des forces, aller mieux »
> Y laisser du poil : « faire de grandes dépenses », expression qui a été remplacée par « y laisser des plumes ».
> Une expression curieuse se rencontre dans des textes du moyen âge : il y a du poil du loup (ou du poil de l’ours) pour signifier : il y a quelque chose de louche, de suspect, mais aussi pour renvoyer à la notion d’opposition, de confrontation.

> Associé à la notion de petite dimension, donc à quelque chose de peu d’importance : Comme cela est souvent le cas, les termes qui désignent des réalités de petite taille, de faible volume ou de peu de valeur entrent facilement dans des expressions qui traduisent l’idée de petite quantité. On pense par exemple à clou dans « pas un clou » ou à larme dans « juste une larme ». Le mot poil n’échappe pas à cette tendance.

– On rencontre ainsi, dans l’ancienne langue, une expression comme « pas un poil », qui signifie « très peu de choses ».
Ainsi, dans un texte de 1373 : Je crains autant le poil d’un chien comme vous trois.
(Je crains autant le poil d’un chien que vous trois = je ne vous crains pas du tout)
– Cette locution ne semble pas réservée à la langue familière ; on rencontre par exemple chez Calvin (1550) : ne pas quitter un seul poil de notre droit (ne rien abandonner de notre droit)
– C’est cette valeur qui se retrouve dans le proverbe du moyen âge : un poil fait ombre (même un objet de petite dimension fait de l’ombre ; à comprendre comme : un ennemi, aussi faible qu’il soit, peut tout de même nuire).
– Il faut aussi rattacher à cette valeur l’expression bien connue au poil, qui apparaît au début du 20e siècle, l’idée de petite dimension entraînant celle de précision. A ses débuts, elle s’emploie en effet dans l’aviation, pour caractériser un atterrissage réussi : « atterrir au poil » (1918). La même idée se retrouve dans une expression comme « au millimètre ».

> Associé à la bravoure, à la force :

A tout le poil (= avec tout le poil) : signe de la force physique : Il est né à tout le poil. Il fera choses merveilleuses. Rabelais
Brave à trois poils (pour un homme courageux) chez Molière (sans doute influence de l’expression velours à trois poils pour désigner du velours de bonne qualité).
On pourra rapprocher de à tous crins : « complet », puis : « à toute épreuve » (par allusion à un cheval qui a tous ses crins)
Bougres à poil, pour des hommes déterminés, courageux (1793)
Familièrement : avoir du poil au cœur (1836), puis avoir du poil aux yeux (1842), aux fesses, au cul, etc.
– Le terme de poilu, bien connu, qui a été utilisé pour désigner les soldats de la guerre de 14-18, mais dont le sens de « brave, courageux » remonte au premier tiers du 19e siècle (1833)
Bas de poil : « qui est dépourvu de courage ; qui a peu de force »

En complément,

Définition étymologie source CNRTL, une base de données développée par Étienne Petitjean, ingénieur d’études CNRS, responsable du service de soutien à la recherche | STR à l’ATILF :

A.− Science qui a pour objet la recherche de l’origine des mots en suivant leur évolution à partir de l’état le plus anciennement attesté.
B.− Rapport de filiation établi à propos d’un mot donné et expliquant sa constitution

POILS, du poil de la bête au poil au menton

Exposition visible au MUSÉUM-AQUARIUM DE NANCY | MAN :
1er novembre 2019 > 14 juin 2020 | Ouvert du mardi au dimanche 9h > 12h & 14h > 18h

Couverture de survie, thermorégulateurs, boucliers contre les microbes ou les odeurs, les poils nous collent à la peau et à celle de tous les mammifères depuis la naissance.
Poils, cheveux, cils, sourcils… qu’ils soient longs, bruns, touffus, roux, frisés ou presque inexistants, ils poussent, tombent et se transforment selon un cycle qui varie en fonction des saisons, de l’âge, de la physiologie ou encore de l’état de santé de chacun. Mais qu’est-ce qu’un poil ? Que sait-on de ce filament de kératine ?
Et comment réagissons-nous face à cette pilosité ?

Appuyée par des avancées scientifiques et sociologiques, cette exposition invite un public ado-adulte à s’interroger sur le système pileux mais également sur sa place dans la société grâce à des interactifs et dispositifs multimédias inédits !
Prêt.e.s à comprendre vos poils ?

Consulter le site du MAN

 

11/12/2019 | © service communication ATILF