Isabelle Clément : numérisatrice
Nous avons rencontré Isabelle Clément, agente CNRS, qui a quitté le laboratoire ATILF le 1er janvier 2025
« En quelle année avez-vous intégré l’ATILF ? D’où veniez-vous ? »
Isabelle Clément : Je suis entrée à l’ATILF (alors appelé INaLF à l’époque) en 1982 en contrat à durée indéterminé dans le cadre d’un contrat passé avec les Éditions Gallimard pour l’édition et l’impression du TLF | Trésor de la Langue Française, dictionnaire en 16 volumes.
Puis j’ai été titularisée sur poste permanent CNRS en 1999 pour la numérisation d’ouvrages pour la base Frantext.
Avant ma titularisation en décembre par le CNRS, j’avais obtenu un bac dans une filière littéraire, que j’ai complété par un cursus d’anglais pendant quelques années. Étant donc sensible à la littérature et aux langues étrangères, cette orientation m’a été très utile à l’ATILF pendant mes 43 années de services et de soutien à la recherche spécifiquement en sciences du langage en collaboration avec Étienne Petitjean, le responsable de mon service.
« Quelles étaient vos activités principales au sein du laboratoire ? »
IC : Je m’occupais principalement de la base Frantext.
Pour les néophytes, Frantext est une base de données de textes textes littéraires et philosophiques français, mais aussi scientifiques et techniques (environ 10%), développée et maintenue au sein de l’ATILF (ex INaLF). Elle a été créée autour d’un noyau de mille textes, dans les années 70, afin de fournir des exemples pour le Trésor de la Langue Française. Une fois le dictionnaire terminé, elle a continué à évoluer : d’abord mise à disposition dans les années 80 sous forme d’un CD (« Discotext »), elle a été ouverte en ligne sur le web en 1998.
Pour enrichir cette base, je numérisais et je codais en XML les textes de natures différentes.
Il faut savoir que Frantext contient 5 500 textes couvrant une large période (1180 à 2020) et des genres très divers (romans, poésies, essais, correspondances, théâtres, etc.) ainsi que les données bibliographiques correspondantes. Ces textes couplés à un moteur de recherche permettent des interrogations simples ou complexes.
L’essentiel de mon travail de numérisation consistait à reproduire le plus fidèlement des textes quelques soient leur datation, leur forme ou leur typographie. Pour ce faire, il faut donc manipuler et conjuguer les options (langues, dictionnaires, contrastes, résolutions, luminosités, fichiers de reconnaissance de typographie spécifique).
« Ont-elles toujours été les mêmes ? Sinon, pouvez-vous résumer l’évolution de vos activités ? »
IC : Mes activités ont suivi l’évolution du laboratoire. J’ai tout d’abord travaillé sur les articles du TLF | Trésor de la Langue Française : saisie des articles aux fins d’édition papier, recherche et vérification des références bibliographiques citées. Il était très important à cette époque de saisir parfaitement l’arborescence typographique de l’article et de connaître précisément les abréviations des références bibliographiques notées chacune sur une fiche propre. On appelait « article » chaque mot du dictionnaire, rédigé par les linguistes et saisi par les secrétaires comme moi.
Une fois le TLF achevé, j’ai rejoint l’équipe STR (service de soutien technique à la recherche de l’ATILF).
En fait, ce service accompagne les travaux scientifiques d’analyse et de traitement informatique de la langue française. Il met en œuvre les moyens logiciels, techniques et humains en vue de la réalisation de ces projets. Il est à l’interface entre les chercheurs et les résultats des projets de recherche en vue de leur exploitation.
J’étais dédiée à la numérisation pour produire cette fois-ci des épreuves numérisées de textes pour Frantext.
J’ai aussi contribué à l’enrichissement d’une base de données bibliographiques, elle aussi numérique (adieu les abréviations parfois barbares des petites fiches papier) ; base dont je me suis occupée jusqu’à mon départ en retraite.
J’ai été amenée par la suite à numériser d’autres documents comme les articles du FEW | Französisches Etymologisches Wörterbuch. Le FEW est une œuvre de Walther von Wartburg, continuée depuis 1993 par l’INaLF (devenu ATILF en 2001). Il répertorie et étymologise, dans une perspective d’étymologie-histoire des mots, le lexique galloroman dans toute sa diversité diachronique, diatopique et diastratique. Il a été depuis le début de sa publication en 1922 le principal laboratoire de recherche sur les méthodes de l’étymologie.
« Pourriez-vous décrire en quelques mots un projet qui vous tient à cœur auquel vous avez participé ? »
IC : LyText ! C’est un projet développé en partenariat avec le rectorat de l’Académie de Nancy-Metz.
Cet outil est destiné à offrir aux élèves une modalité d’aide et d’entraînement à l’épreuve orale de la discipline du français au baccalauréat.
En travaillant sur ce projet, j’ai pu retrouver les textes littéraires de ma scolarité et contribuer à un projet utile au quotidien, ce qui m’a toujours semblé important, inspirant et très motivant.
Aussi LyText a fait ses preuves et aussi des petits. En effet à ce jour il existe maintenant CoText et bientôt va naitre AlloText qui est en cours de gestation.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, CoText est aussi un outil d’aide à la préparation de l’épreuve de français du diplôme national du brevet.
L’outil CoText se fonde, comme l’outil LyText, sur une base d’extraits de textes permettant d’exercer les collégiens aux épreuves du diplôme et sur un modèle de connaissances regroupant les informations analytiques, génériques et linguistiques qui favoriseront la compréhension et l’interprétation des textes.
« Que pouvons-nous vous souhaiter ? »
IC : Pour mes 20 ans ? [Rires …]
Je me souhaite de conserver une bonne santé afin de pouvoir continuer à profiter des soirées dansantes et continuer à entretenir mon jardin.
Petit clin d’œil littéraire ! « Il faut cultiver notre jardin », professe Candide à Pangloss à la fin du célèbre conte philosophique Candide ou l’Optimiste de Voltaire. Dans la mesure où il est une forme de travail, le jardinage « éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ».
Aussi je souhaite également une belle continuation à mon laboratoire ! Que l’ATILF fourmille de grands (et petits) projets. Il est aussi important que son rayonnement scientifique s’étende le plus possible sans qu’il perde de vue son histoire scientifique.
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Ce départ a été souligné par un événement interne, en même temps que le départ d’Olivier Servas, Ingénieur d’études hors classe CNRS aussi en poste au STR (service de soutien technique à la recherche) de l’ATILF.
Ce fut l’occasion d’exprimer la gratitude de quelques personnels et de l’équipe de direction ATILF aux deux nouveaux jeunes retraités pour l’engagement dont ils ont fait preuve tout au long de leur carrière. |
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Février 2025 | © service communication ATILF